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Votation du 24 février: Bilan et perspectives

Malgré une victoire à l’arraché, la logique de nouvelles baisses d’impôts s’impose naturellement, même dans les rangs de la gauche. Il est hélas très dangereux de légitimer de telles baisses dans un pays où l’impôt est loin d’être punitif.

20’000 voix. Cette quasi-victoire reste hélas une défaite, même si la surprise était de taille quant à la faiblesse de l’écart, aussi bien dans les médias que chez les partis. Il convient donc de s’interroger sur les erreurs de la campagne plutôt que de se féliciter de ce résultat, aussi inattendu soit-il. Quel est l’infime coup de collier qui nous aurait permis d’éviter cet honteux cadeau fiscal?

Les regards se tournent bien sûr vers l’ensemble de la gauche. Crevons l’abcès : on a peu, bien trop peu entendu les Verts se prononcer sur la question. Pourtant formellement opposés à la réforme, ils n’ont pas mené de campagne active, à quelques exceptions individuelles près. Les syndicats non plus ne se sont pas distingués par leur forte opposition au projet. De même, on ne peut que déplorer l’absence d’engagement contre ce projet de la part de certains conseillers d’Etat de gauche, en particulier à Genève, qui explique sans doute la victoire du Oui au bout du lac.

A cela s’ajoute la flagrante disproportion des moyens investis – comme d’habitude, pourrait-on dire: quelques 400’000 francs pour les opposants contre environ 8’000’000 pour les défenseurs du projet.

Enfin, les médias ont joué très partial dans cette campagne. Ils ont largement repris les principaux arguments des partisans de la réforme, en ne faisant référence qu’aux avantages dont bénéficieraient les PME (certains n’étaient d’ailleurs pas contestés par la gauche), et en évacuant trop facilement les principaux bénéficiaires de la réforme, à savoir les gros actionnaires. Les faramineuses recettes publicitaires garanties par les partisans de la réforme n’y sont certainement pas pour rien.

Une défaite… encourageante

Ne taisons cependant pas complètement le petit succès derrière la défaite. Ce chiffre de 49.5% d’opposants sans «Röstigraben» apporte aussi un certain espoir. Sur cette question, la gauche a rassemblé largement au-delà de son électorat, mettant au passage à mal l’image de défenseurs des familles ou des petites gens que n’hésitent pas à s’attribuer les opportunistes bourgeois.

Malgré ce résultat encourageant, la gauche doit développer un discours et des positions claires sur les entreprises, et en particulier les PME. En effet, le débat autour de la réforme ne tournait pas autour d’un simple clivage entre salariés et patronat, car la réforme négligeait honteusement la plupart des petits entrepreneurs qui ne sont, finalement, défendus par personne au niveau politique.

Fiscalité: quel discours à gauche?

Cependant, la campagne a également mis en lumière certaines divisions fondamentales de la gauche. Nous manquons de cohésion sur les questions fiscales. En témoigne le fait que la plupart des politiciens impliqués dans la campagne ne s’opposaient pas formellement au démantèlement prévu d’une bonne partie de l’impôt sur le capital. Et ce, alors que l’exigence et la défense d’une imposition sur le capital et la fortune devrait être centrale pour les mouvements de gauche. De plus, la concurrence fiscale, dans une version plus ou moins adoucie, trouve trop souvent grâce auprès de ceux qui devraient la combattre le plus fermement…

Dans le débat public, la question fondamentale se réduit trop facilement à savoir quelle sera la prochaine catégorie de la population à bénéficier d’une baisse d’impôts. Est-il devenu incontestable, même pour la gauche, que les excédents des collectivités publiques doivent avant tout se traduire par des baisses d’impôts? Avons-nous simplement oublié les politiques d’austérité des années 1990 et leurs conséquences désastreuses ? Voulons-nous simplement négliger notre besoin criant d’investissements publics? Avons-nous renoncé à nos objectifs de politique sociale ? De surcroît, l’amélioration actuelle des finances publiques risque de ne pas se prolonger en 2008 et 2009, suite à la crise des subprimes et au ralentissement de la conjoncture. Il convient donc d’être particulièrement vigilant si l’on ne veut pas subir un retour de manivelle suite à une baise de recettes publiques.

Au moment où la fiscalité revient au centre de nombre de débats politiques (taux unique de TVA, l’impôt sur la dépense ou frais de représentations abusifs, nouvelle défiscalisation des entreprises, nouvelles déductions pour les enfants, imposition des holdings, fraude et concurrence fiscales), la gauche se doit de proposer des réformes sur ce sujet délicat mais fondamental. Elle doit le faire en communiquant de façon didactique. Mais surtout, la gauche doit faire attention à ne jamais jouer les complices du démantèlement de la fiscalité. Elle doit en être le rempart, et porter des propositions solides et concrètes concernant les bénéfices éventuels de la Confédération, des cantons et des communes en période de haute conjoncture. Là où les autres vident les caisses, nous devons montrer les investissements publics qu’il serait possible de réaliser ou l’amélioration des politiques sociales envisageables. Là où ils prônent un modèle de société dont la base même est l’inégalité, nous devons toujours réagir et proposer une alternative!

 

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