Introduction au dossier sur les drogues : légalisation ou tolérance ?

La rédaction •

Avec la sortie du numéro 191 de Pages de gauche dont le dossier est consacré aux drogues, Pdg publie en libre-accès l’introduction de ce dernier afin d’en donner un aperçu. Pour recevoir le numéro en entier et soutenir une presse de gauche indépendante, abonnez-vous!


Afin d’ouvrir notre dossier sur les drogues, quelques statistiques et définitions sont nécessaires pour poser le cadre d’une réalité difficile à saisir et trop souvent fantasmée. 

Selon l’Office fédéral de la statistique en 2022 en Suisse, 1,9% de la population de 15 à 64 ans a consommé de l’héroïne, de la cocaïne, de l’ecstasy ou d’autres drogues « dures » (par exemple speed, LSD, amphétamines, champignons hallucinogènes) dans les 12 derniers mois. Ce chiffre est en hausse de 0,4 point de pourcentage par rapport à 2017. La consommation est plus élevée chez les jeunes de 25 à 34 ans (4,2%) et chez les hommes (2,6%) que chez les femmes (1,2%). 116 hommes et 44 femmes sont décédé·e·s en raison directe de leur consommation de drogues (overdose, empoisonnement ou les deux). En plus de l’âge et du genre, le niveau de formation, la précarité et la région linguistique influencent également fortement le taux de consommation.

Voilà, pour ce qui concerne les drogues dites « dures ». Si on s’intéresse à l’alcool, le nombre de décès qui lui sont directement attribuables s’élevait à 1553 en 2017, il était encore bien plus élevé pour le tabac avec 9496 décès recensés (dont 29% sont des cancers des poumons). Cette simple comparaison avec le nombre de décès dus aux drogues dures permet de prendre du recul avec le discours trop souvent alarmiste et criminalisant à leur sujet. La distinction même entre drogues « dures » et « douces » doit être remise en question. Elle est utilisée pour classifier les substances selon leur potentiel de dépendance et de dangerosité, mais cette dichotomie simpliste ne rend pas compte de la complexité des problèmes d’addiction, ni des enjeux sociaux et de santé publique qui y sont liés.

Depuis les années 1990, la Suisse a osé introduire des politiques innovantes d’accompagnements des usagers·ères, notamment la politique dite de quatre piliers sous l’impulsion de Ruth Dreifuss (voir son entretien en pages 9 et 10). Alors que les appels à la légalisation du cannabis se renforcent et que la consommation des opioïdes augmente en Suisse, la gauche doit continuer à s’efforcer de développer des politiques progressistes en matière de drogue. Cela nécessite de mettre l’accent sur la prévention, le traitement et l’intégration sociale plutôt que sur la criminalisation.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 191 (printemps 2024).

Crédit image: Collection Fortepan

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