0

Le pilotage à vue du Conseil fédéral

L’affaire du Pilatus vendu au Tchad ne fait que souligner la courte vue du Conseil fédéral en matière d’exportation d’armes de guerre.

Les marchands d’armes sont sûrement contents. En effet, selon des chiffres publiés par le SIPRI (un institut suédois de recherche sur les armes et les conflits), les dépenses militaires mondiales en 2006 se seraient élevées à 1’204 milliards de dollars. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis la fin de la guerre froide. Les Etats-Unis restent les principaux exportateurs d’armes (55% des ventes), suivis du Royaume-Uni (14%), de la Russie (9,6%), de la France (5,9%), et d’Israël (5,3%). De son côté la Suisse n’est pas en reste, puisqu’en 2007, elle aura exporté pour 464,5 millions de francs de matériel de guerre (soit 17% de plus qu’en 2006).

De Stans à N’Djamena

Dans ce paysage idyllique, l’affaire du Pilatus tchadien ne détonne pas. Bien entendu, tout est de la faute des Tchadiens. C’est eux qui ont violé les termes du contrat, c’est eux qui ont armé le Pilatus PC-9, ce sont leurs pilotes qui ont bombardé divers objectifs et ce sont surtout eux qui ont acheté l’inoffensif avion. Si dans un premier temps, Pascal Couchepin affirmait devant la presse étrangère à Genève que l’avion avait été «acheté sur Internet», la réalité est moins «virtuelle». Ainsi, en 2006 le Tchad achète à l’entreprise de Stans, de plein droit, un Pilatus PC-9. L’exportation de cet avion n’est pas régie par la loi sur le matériel de guerre, mais par la loi sur le contrôle des biens. L’achat de cet avion devait remplacer un des deux Pilatus PC-7 utilisés par le Tchad (ce qui – en excluant l’aviation française – représente la totalité de l’aviation tchadienne). Dès janvier 2008, des images diffusées notamment par la télévision alémanique, montrent clairement que ce PC-9 avait été armé et servait dans des combats. Cela a obligé le SECO à «prendre très au sérieux ces images» et à réagir avec la suite que l’on connait.

Il est urgent de changer de politique

En plus de la déjà longue histoire de l’engagement armé des Pilatus (Birmanie, Guatemala, Angola, Irak, Afrique du Sud, Mexique), cet épisode s’inscrit aussi dans la droite ligne de décisions très contestables du Conseil fédéral. En effet, en 2005 il s’était embourbé dans des affaires de vente de chars M-109 et M-113, dans de vraies fausses ventes au Pakistan, aux Emirats Arabes Unis, à l’Irak ou encore au Maroc.

Ainsi, au lieu de toujours chercher à se défausser sur les autres – ces acheteurs non fiables à qui on vend des armes qui n’en sont pas (mais quand même un peu) – il serait temps de s’attaquer, pour le coup, à la vraie cause. Reconnaissons que la vente d’armes ne contribue pas à plus de justice sociale, d’équité et de sécurité. Les exemples actuels, affreusement nombreux, confirment ce constat. Dans ce sens, l’initiative populaire fédérale «pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre» (qui a abouti fin 2007 et qui interdirait l’exportation de Pilatus, comme celui vendu au Tchad), tout comme celle en cours «pour la protection contre la violence des armes» pointent dans la bonne direction. Ces initiatives mettent en évidence la terrible inaction du Conseil fédéral dans le domaine des armes aussi bien militaires que civiles.

 

 

webmaster@pagesdegauche.ch

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *