Conclusion du dossier sur les drogues : généraliser la dépénalisation

La rédaction •

Avec la sortie du numéro 191 de Pages de gauche dont le dossier est consacré aux drogues, Pdg publie en libre-accès l’introduction de ce dernier afin d’en donner un aperçu. Pour recevoir le numéro en entier et soutenir une presse de gauche indépendante, abonnez-vous!


La politique des drogues en Suisse est souvent présentée comme un modèle de pragmatisme et d’innovation, basé sur le principe des quatre piliers : prévention, thérapie, réduction des risques et réglementation. Cette politique a permis de réduire les dommages sanitaires et sociaux liés à la consommation de drogues, notamment en matière de VIH, d’overdoses et de marginalisation. Nous saluons cette politique, mais il ne faut s’y arrêter. Elle reste perfectible. Par exemple en prenant mieux en compte les besoins spécifiques des différents groupes de consomatrices·eurs. Les jeunes, les personnes LGBTQIA+ ou les migrant·e·s sont souvent exposé·e·s différemment aux risques liés à la consommation de drogues. Une politique inclusive des drogues doit mieux prendre cela en compte.

Il est temps d’avancer étape par étape vers la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues, y compris les drogues dites « dures », et à reconnaître la liberté des individus de consommer des substances psychoactives sans être considéré·e·s comme des criminel·le·s ou des malades. Il s’agit de respecter les droits humains, mais aussi de favoriser l’accès aux soins, aux traitements et aux services de réduction des risques, qui doivent être adaptés aux réalités et aux demandes des usagères·ers. Il s’agit également de mettre l’accent sur la prévention, l’éducation et l’information, plutôt que sur la répression et la stigmatisation.

Parmi les mesures concrètes à mettre en œuvre, nous soutenons le développement du drug checking, qui permet aux consommateur·rice·s de connaître la composition et la qualité des produits qu’elles·ils consomment, et de recevoir des conseils personnalisés. Nous soutenons également la légalisation du cannabis, qui permettrait de contrôler le marché, de garantir la traçabilité et la sécurité du produit, de générer des revenus fiscaux et de réduire l’influence des réseaux criminels. Nous plaidons pour une réglementation du cannabis qui soit respectueuse de la santé publique, de l’environnement et de l’économie locale, et qui évite les pièges des modèles commerciaux et lucratifs.

Enfin, nous appelons à une réduction des publicités pour les cigarettes et l’alcool, qui sont les drogues légales les plus nocives (et les plus lucratives) si l’on prend comme indicateurs les milliers de décès chaque année en Suisse dus au tabac et à l’alcool. Nous dénonçons l’hypocrisie et l’incohérence des politiques qui tolèrent et encouragent la consommation de ces substances, tout en criminalisant et diabolisant celles qui sont illégales. Nous revendiquons une approche globale et cohérente des addictions, qui prenne en compte les facteurs sociaux, économiques et psychologiques qui influencent les comportements, et qui propose des alternatives et des soutiens aux personnes qui souhaitent réduire ou arrêter leur consommation.

La question des drogues n’est pas seulement une question de santé, mais aussi une question de justice, de liberté et de solidarité. La gauche doit continuer à s’engager pour une politique des drogues progressiste, qui place les usagères·ers au centre, et qui vise à réduire les inégalités, les violences et les souffrances liées aux drogues. C’est un enjeu de société majeur, qui concerne toutes et tous, et qui mérite un débat ouvert et éclairé.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 191 (printemps 2024).

Crédit image: Collection Fortepan

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