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Les défis de l’aide sociale: le cas vaudois

La lutte contre les effets de seuil, le renforcement de la politique de (ré-)insertion professionnelle, la défense des normes et l’amélioration du revenu des «working poors» constituent des enjeux de taille de la politique sociale.

L’augmentation du nombre de personnes à l’aide sociale et les polémiques et débats lancés outre-Sarine autour des abus ont tendance à occulter les importants défis auxquels l’aide sociale est confrontée aujourd’hui. Passage en revue de quatre d’entre eux à travers l’exemple vaudois.

Combattre les effets de seuil

Mise en exergue de façon claire par une récente étude de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS), la sortie de l’aide sociale grâce à l’emploi s’accompagne très souvent de la perte du droit à certaines prestations publiques ou de la réduction de celles-ci. Conséquence: le revenu disponible d’un salarié dont la rémunération est légèrement supérieure aux normes d’aide sociale peut être inférieur à ce que ce même salarié aurait pu toucher en restant à l’aide sociale. C’est ce qu’on appelle dans le jargon l’«effet de seuil». Comme le montre l’étude de la CSIAS, ces effets de seuil atteignent rapidement plusieurs milliers de francs selon les cantons. Arrêt brusque des avances sur pensions alimentaires, réduction drastique des subsides à l’assurance-maladie ou encore reprise de la fiscalité sont autant de facteurs qui expliquent cette réalité. Ces effets de seuil sont inacceptables à deux titres. D’une part, ils pénalisent celles et ceux qui reprennent un emploi pour regagner leur autonomie financière pour un salaire qui dépasse à peine les normes de l’aide sociale. D’autre part, leur existence peut servir d’argument pour attaquer le niveau des normes d’aide sociale en arguant qu’il suffirait de les réduire pour lisser les effets de seuil.

Dans le canton de Vaud, c’est principalement l’articulation entre le régime des subsides à l’assurance-maladie et le régime du revenu d’insertion (RI = aide sociale) qui pose problème. Ainsi, en 2007, la sortie du RI équivalait dans la plupart des situations à une perte de revenu. Grâce à une série de mesures adoptées par le Conseil d’Etat et le Grand Conseil sur proposition du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), la donne a changé à partir de janvier 2008. En améliorant le système des subsides et en introduisant la pleine allocation familiale pour l’ensemble des salarié-e-s, l’effet de seuil disparaît pour les ménages sans activité lucrative au RI, qui retrouvent un emploi dont le salaire dépasse les normes d’aide sociale. Il reste des pertes de revenu pour les «working poor» en raison de la franchise sur le revenu dont ils disposent en étant au RI. Le DSAS est chargé d’élaborer de nouvelles propositions visant à combattre ce dernier effet de seuil dès 2009.

Insérer les jeunes adultes

Environ 70% des jeunes adultes entre 18 et 25 ans qui sont à l’aide sociale ne disposent pas de formation professionnelle certifiée. Ce chiffre est constant depuis de nombreuses années. Dans le seul Canton de Vaud, leur nombre s’élève à environ 1’500. Par un effort conjoint entre le DSAS et le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), 250 jeunes adultes se retrouvent aujourd’hui dans un (pré-)apprentissage tout en bénéficiant de l’appui ciblé de spécialistes de l’insertion professionnelle. Le succès de ce programme – un taux de réussite de plus de 70% après la première année scolaire – montre qu’en investissant des moyens conséquents, les résultats ne se font pas attendre. L’alternative, à savoir l’augmentation constante de jeunes dépendants de l’aide sociale, ne doit jamais en être une. Dans le canton de Neuchâtel, un programme comparable a été mis en place par le gouvernement.

Défendre les normes d’aide sociale

Avec la hausse du nombre de bénéficiaires à l’aide sociale, le niveau des normes peut rapidement devenir un enjeu politique. Il est utile de rappeler à cet égard que la tendance générale a clairement été à la baisse ces dernières années. Suppression du revenu minimum cantonal d’aide sociale (RMCAS) à Genève, introduction des normes CSIAS dont le forfait d’entretien devant permettre de garantir un minimum a été réduit pour passer à 960.- pour une personne seule par exemple, et non-indexation des normes depuis longtemps dans la plupart des cantons sont autant d’exemples de cette péjoration. Dans certains cantons alémaniques, l’introduction des normes CSIAS représente une pure opération d’économies. En effet, à Zurich et Bâle par exemple, près de 60% des bénéficiaires de l’aide sociale ont vu leurs forfaits d’entretien se réduire sans contre-partie. Difficile dans la conjoncture politique actuelle de faire passer une hausse des normes. La défense des acquis doit par contre constituer une position non-négociable.

Améliorer le revenu des salarié-e-s pauvres

Comme le montrent les statistiques, près d’un tiers des ménages «working poors» ont des revenus inférieurs aux normes de la CSIAS. Or, une bonne partie d’entre eux ne s’adresse pas à l’aide sociale. En outre, environ 10% des bénéficiaires de l’aide sociale ont des revenus salariaux couvrant plus de 50% de leurs besoins minimaux. Rien ne justifie leur présence à l’aide sociale. Deux revendications permettraient d’améliorer la situation. D’une part, l’introduction de salaires minimaux supérieurs aux normes de l’aide sociale dans l’ensemble des branches économiques non-conventionnées. D’autre part, la mise en place de prestations complémentaires pour les familles. Ce sont en effet notamment elles qui doivent se tourner vers l’aide sociale.

 

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