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A l’école de l’uniforme

Ah! le retour à l’ordre! Chez nos voisins français, la candidate socialo-royaliste l’a dit: les jeunes en difficulté doivent être placés dans des «structures à encadrement militaire ». La hiérarchie, l’ordre, la discipline: rien de tel pour vous remettre ces racailles sur le droit chemin. C’est que, nos jeunes sont de plus en plus violents, paraît-il. Et aussi de plus en plus mal habillés. Une reprise en main s’impose.

Halte aux strings qui dépassent et aux caleçons qu’on devine sous les jeans taille basse! Halte aux marques qui corrompent l’esprit de notre belle jeunesse! Contre la violence, le racket, les inégalités sociales et les pulsions sexuelles; pour faire régner l’égalité, la discipline et l’ordre: une seule solution – pas si nouvelle, mais il paraît que c’est dans les vieux pots autoritaires qu’on fait les meilleures soupes – le grand retour de l’uniforme à l’école.

Oh, certes, pas l’uniforme de grandpapa ou la blouse de grand-maman. Non, l’uniforme «djeun», si possible cool, et même un peu «yo». Mais pas cool comme l’entendraient les enfants – incapables qu’ils sont de savoir ce qui est bon pour eux – cool comme l’imaginent les pédagogues et les designers. Cool comme les uniformes que certains écolier bâlois vont porter, avec baskets et pulls à capuche. Le retour à l’ordre, mais avec le style. Car dans cette affaire, le problème est moins de faire en sorte que les jeunes soient mieux habillés, il faut juste qu’ils n’aient plus le choix. Il faut seulement que ce soit l’institution qui leur impose leur style d’habillement, avant de réformer aussi leur style de vie.

Et l’hypocrisie est atteinte sous couvert de justice sociale. On fournit des uniformes aux enfants pour que tous soient égaux, paraît-il, en oubliant un peu vite que les inégalités sociales se combattent dans leurs origines, pas dans leurs manifestations les plus anecdotiques. En oubliant aussi que pour une égalité factice d’habillement en classe, combien plus violente sera la différence en dehors. En oubliant enfin que les inégalités sociales en classe se marquent moins par le vêtement que par le «capital culturel» infiniment différent des plus riches et des plus pauvres. Si l’enjeu est de combattre les inégalités sociales, des moyens supplémentaires affectés à l’école, des cours d’appuis plus nombreux, le développement des institutions culturelles, seraient autrement plus efficaces. Si le problème est le coût pour certaines familles des vêtements, des subsides d’habillement pourraient parfaitement être développés. Mais il ne s’agit pas de ça.

Le retour à l’ordre a toujours été la solution de ceux qui n’ont pas de solutions. Le traitement sécuritaire des problèmes sociaux aussi. Les questions que soulèvent la jeunesse et l’éducation méritent un peu plus d’imagination. Et aussi, un peu plus de confiance dans la capacité des jeunes à être des individus libres et autonomes – y compris dans le choix de leurs vêtements.

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