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Presse romande: entre marchandisation et précarisation

Baisses des recettes publicitaires, concurrence des médias électroniques et d’internet ou encore l’arrivée des journaux gratuits: autant de phénomènes qui ont profondément bouleversé le fonctionnement de la presse. Les journaux romands n’échappent pas à ces profondes restructurations depuis le début des années 1990.

Alors qu’il y a vingt ans, la Suisse romande pouvait s’enorgueillir d’une certaine diversité de sa presse comparativement à des régions d’une taille similaire, le phénomène de concentration parmi les éditeurs s’est traduit par la disparition de plusieurs quotidiens romands, dont La Suisse, le Journal de Genève et Gazette de Lausanne. Aujourd’hui, deux éditeurs (Edipresse et Ringier) dominent largement le marché romand (sur la concentration dans la presse, voir dossier PdG No 31, février 2005).

Mais, au-delà de ce phénomène de concentration, ce sont surtout les conditions de production des journaux qui se sont profondément modifiées. Les exigences de rentabilité et la concurrence toujours plus féroce pour des recettes publicitaires en constante diminution ont eu de profondes répercussions sur le contenu rédactionnel et les conditions d’exercice de la profession de journaliste.

Le 4e pouvoir dominé par les marchands

La presse commerciale, pour laquelle les recettes publicitaires représentent depuis longtemps la majeure partie de leurs revenus, a toujours été soumise à ce type de pressions; cependant, celles-ci se sont considérablement accentuées ces quinze dernières années. Elles en viennent à mettre en danger la qualité de l’information et à remettre en cause l’objectif premier de la presse: informer la population et contribuer au débat démocratique. En effet, lorsque les impératifs de rentabilité priment sur tous les autres critères relatifs à la production de l’information, cela représente une menace pour une démocratie vivante et des citoyen-ne-s bien informés et capables de sens critique.

L’apparition des gratuits n’a fait qu’accentuer cette tendance. Le contenu rédactionnel en vient à être réduit à la mise en valeur de messages publicitaires. Cette marchandisation accrue de la presse, considérée comme un simple produit comme les autres, passe par la remise en cause des conditions de travail des journalistes.

Employé-e-s précarisé-e-s

La profession de journaliste s’est largement construite sur un certain nombre de principes déontologiques, censés préserver leur indépendance et garantir le bon exercice de leur métier (voir la déclaration sur les droits et les devoirs des journalistes sur le site du Conseil de la presse: http://www.presserat.ch). Cependant, ces gardes-fous garants du bon exercice de la profession sont de plus en plus réduits en peaux de chagrin face aux mesures de réductions des coûts et de diminution du personnel. Dans la production d’un journal, la position des journalistes s’est affaiblie face aux exigences de faire vendre un produit: les dossiers de l’actualité politique cèdent la place au «people» et les anecdotes futiles remplacent les analyses de fond.

Cette évolution est dangereuse car elle laisse la porte grande ouverte à une presse de complaisance, voulue ou non, en faveur des intérêts économiques dominants qui savent très bien, grâce à leurs agents de communication, «préparer» l’information que les journalistes ont de plus en plus de peine à décrypter de manière critique.

Dans le cadre de ce dossier, nous sommes allés à la rencontre de différents journalistes pour leur demander leur point de vue sur la manière dont ils vivent l’évolution récente de la presse romande.

webmaster@pagesdegauche.ch

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