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Pourquoi il faut toujours écouter les étudiant•e•s

La concrétisation du processus de Bologne donne raison aux critiques émises par l’Union nationale des étudiant•e•s de Suisse (UNES) il y a une dizaine d’années.

On allait voir ce qu’on allait voir. La déclaration de Bologne (voir Pages de gauche n°6, novembre 2002) allait être LE moyen de renforcer la formation académique en Suisse et de l’intégrer à un «espace européen de la science et de la recherche». Rien que ça. Il n’en fallait pas plus pour que Charles Kleiber, Secrétaire d’Etat à la science et à la recherche, signe cet accord contre l’avis du conseil fédéral, des cantons, des recteurs d’universités et… des étudiant•e•s.

Les étudiant•e•s, justement. D’insupportables pessimistes incapables d’avoir la moindre vision. M. Kleiber à peine arrivé à la réunion ministérielle devant aboutir à la signature de la déclaration, l’UNES avertissait que le découpage des études universitaires en bachelors (BA) et en masters (MA) et la densification des plans d’études allaient poser toute une série de problèmes: manque de bourses, moins de possibilité pour travailler à côté de ses études, sélection entre BA et MA. Le tout sans encourager la mobilité, pourtant une des pierres angulaires de la déclaration. M. Kleiber n’en tint pas compte et les renvoya à leurs études, leur faisant bien comprendre au passage «qu’ils comprendraient lorsqu’ils seraient grands». Point final. Et les universités et EPF de s’adapter à Bologne, bon gré, mal gré, chacune à son rythme et en absence d’une réelle coordination. Et pire, ces adaptations se sont en général faites sans débat démocratique dans les parlements cantonaux, car elles ont d’abord été introduites au niveau des règlements internes des hautes écoles, voire des facultés. Les parlements furent alors contraints d’entériner les modifications plusieurs années plus tard. Mais, que voulez-vous, le progrès n’attend pas.

Les étudiant-e-s avaient vu juste

Huit ans plus tard, l’UNES a eu raison sur toute la ligne. La question des bourses n’a pas avancé d’une semelle, malgré une (timide) tentative de la Conférence des directeurs de l’instruction publique (CDIP) de proposer un accord intercantonal sur la question; malgré une augmentation régulière du nombre d’étudiant•e•s dans les hautes écoles le montant total des bourses régresse en francs constants. En outre, la densification des plans d’études rend une activité rémunérée à côté des études plus difficile, alors que 90% des étudiant•e•s ont une telle activité. En outre, les les tentatives de rogner sur l’égalité des chances sont légion, par exemple en n’accordant des bourses que pour les étudiant•e•s en BA, puis des prêts pour les MA. Fort heureusement, les cantons ont jusqu’ici été intransigeants (mais pour combien de temps?) sur la question du diplôme standard de fin d’études: c’est le MA et pas le BA. Cependant, les milieux économiques, qui ne rêvent que de raccourcir les études et de chasser le maximum de titulaires de BA des hautes écoles, pour qu’ils puissent entrer sur le marché du travail, gardent dans leur manche des propositions pour restreindre l’accès aux MA aux «meilleur•e•s étudiant•e•s», soit les plus doué•e•s, mais surtout les plus riches, au moyen d’écolages de plusieurs dizaines de milliers de francs et d’une sélection drastique. Sans penser une seconde que, si la majorité des étudiant•e•s doit se contenter d’un BA, le niveau général de la formation universitaire baisserait, car c’est le MA qui correspond aux anciens licence ou diplôme.

La mobilité, un doux rêve

Un des grands arguments en faveur de Bologne était la mobilité. Harmoniser les cursus devait permettre à n’importe quel étudiant d’étudier dans n’importe quel pays et de pouvoir faire reconnaître ses cours et examens. La libre circulation des étudiant•e•s, en somme. Mais après huit années de système «Bologne», la mobilité reste ardue, et surtout réservée aux étudiant•e•s les mieux lotis financièrement. Un sondage mené en été 2008 par le conférence de recteurs (CRUS) démontre que la moitié des étudiant•e•s n’envisagent pas d’être mobiles, notamment pour des raisons financières et nombreux sont ceux qui craignent que leurs cours ne soient pas validés à leur retour. Et la CRUS de conclure que «Bologne ne conduit pas automatiquement à une croissance de la mobilité et peut même avoir un effet contraire». On ne saurait être plus clair.
 

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