0

Participe présent, participe assez?

Partout, les étudiant•e•s s’engagent de plus en plus dans la vie politique  et dans les processus décisionnels des universités. Or, il s’agit de tâches délicates, parfois en porte-à-faux par rapport aux études elles-mêmes.

Revendication étudiante depuis les années 1960, la participation des étudiant•e•s au fonctionnement de l’Université semble gagner du terrain ces dernières années. De plus en plus, le monopole des professeur•e•s en matière de décisions a été contesté. Les formes d’une telle participation peuvent néanmoins être diverses, et ses effets réels plus ou moins importants. En Finlande ou au Royaume-Uni, il est ainsi courant de voir des représentants des étudiant•e•s exercer, le temps d’un semestre, leur mandat à plein temps grâce à un congé accordé par l’université, signe important de l’ancrage fort dont jouit la participation.

Vers une bipolarisation

Indéniablement, il existe un certain mouvement tendant vers plus de participation au sein des hautes écoles. Paradoxalement, en même temps, la logique qui sous-tend la réforme du fonctionnement de ces mêmes institutions est une plus grande centralisation du pouvoir. Par exemple, à l’Université de Lausanne, les conseils de facultés ou de l’université, qui sont en quelque sorte les parlements universitaires, ont vu leur composition radicalement modifiée. C’est une véritable révolution, puisque les professeur•e•s sont devenu•e•s minoritaires au sein de ces organes, alors qu’ils/elles les dominaient auparavant. Cet acquis pour les autres corps de l’université a été largement compensé par un allègement des compétences de ces organes, généralement au profit du rectorat de l’université qui, à quelques exceptions près, concentre toutes les compétences sous la houlette du recteur.

Associer de façon sincère, et non purement symbolique, les étudiant•e•s et le personnel des hautes écoles à leur gestion pourra permettre à nos institutions universitaires d’éviter de tomber dans certains pièges, comme celui de se focaliser uniquement sur la recherche. Par contre, la participation des étudiant•e•s pose de nombreux problèmes pratiques qui sont loin d’être résolus: rotation rapide des délégué•e•s, manque de contact entre les représentant•e•s et leur base ou encore conflits d’intérêts d’étudiant•e•s devant défendre leur opinion face à leurs professeur•e•s. De plus, il est parfois difficile pour les étudiant•e•s d’assumer les lourdes responsabilités qui peuvent leur incomber si certaines conditions ne sont pas remplies. Certain•e•s nostalgiques du fonctionnement universitaire à l’ancienne mode diront que la solution est le retour en arrière. D’autres affirmeront qu’au contraire, il faut aller encore plus en avant: donner une plus grande crédibilité et un plus grand pouvoir aux organes participatifs, et permettre une sérieuse reconnaissance du travail qui y est fourni par tou•te•s leurs membres.

Démocratie avant participation

La promotion de la participation est généralement sous-tendue par un idéal de gestion démocratique. Il est donc important de ne pas opposer la notion de participation interne et celle de contrôle politique de l’Université publique. Alors qu’il est sain, et même important, de laisser à l’Université une forte autonomie académique, il est important que les instances politiques démocratiquement élues, et ainsi le peuple, ne perdent pas le contrôle des grandes orientations qu’elle doit suivre.

Une participation pas si politique

Lorsque naissent les premières revendications, au sein des mouvements étudiants, d’un fonctionnement démocratique pour les institutions universitaires, celles-ci sont bien souvent le lieu d’une bouillante activité politique qui dépasse le cadre des thèmes liés à la formation. Force  est de constater que démocratisation des universités et politisation des étudiant•e•s ne vont pas forcément de pair. Assez logiquement, les instances dirigeantes ne souhaitent pas voir face à elles des factions d’étudiants s’entre-déchirer; de même, les associations d’étudiant•e•s qui, en Suisse, regroupent souvent tous les étudiant•e•s d’une université par une affiliation automatique, ont intérêt à ne pas trop politiser leur ligne pour ne pas s’éloigner de leur base par définition hétéroclite. C’est ainsi que l’ «intérêt des étudiants», fiction rhétorique évidemment employée par tous les acteurs du domaine de la formation, tend à tenir lieu de seul et unique programme aux organisations étudiantes, qui en oublient qu’elles se situent bel et bien dans un débat à caractère politique.

Des syndicats étudiants?

Le remède passe-t-il par une «syndicalisation» des organisations étudiantes selon le modèle français, qui verrait un renoncement aux associations générales à affiliation automatique? Ceci soulève la question du caractère politique de la représentation des étudiant•e•s au sein d’organes dont les décisions sont, de près ou de loin, toujours de nature politique.

Il va de soi que la démocratisation des structures d’institutions telles que les universités est un vecteur d’émancipation. Cependant, on ne peut pas se satisfaire de n’importe quelle intégration des acteurs universitaires aux processus décisionnels. Pour qu’un système participatif fonctionne, il faut que les participant•e•s soient motivé•e•s à donner de leur énergie. Si la présidence ou la direction d’une haute école peut à elle seule annuler toute décision d’un organe participatif, qui irait s’y engager sérieusement?

webmaster@pagesdegauche.ch

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *