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Le syndicalisme face à la mondialisation

La mondialisation met le mouvement ouvrier au pied du mur: il se croyait internationaliste et voilà qu’il s’aperçoit que son «internationalisme» est absolument insuffisant pour faire face à l’internationalisation du capital. Pages de gauche pointe les obstacles qui attendent le syndicalisme du XXIe siècle qui, pour les surmonter, doit évoluer. Ses moyens de lutte le doivent également, au premier plan desquels figure la grève.

Lorsque l’on observe les effets de la mondialisation, trois phénomènes méritent une attention particulière. Il s’agit de l’essor des sociétés transnationales, du rôle de l’État et de la formation d’un marché global du travail.

Les sociétés transnationales face à l’Etat

Les sociétés transnationales (STN) sont le principal moteur et en même temps les principaux bénéficiaires des transformations technologiques qui sous-tendent la mondialisation. La nouvelle mobilité du capital explique le pouvoir politique des STN. Elle leur a permis d’imposer un nouveau rôle à l’État. C’est cette mobilité qui a permis au capital transnational de se soustraire aux contrôles exercés sur lui dans le cadre de l’État national, donc aux contraintes qui lui avaient été imposées par la société à une époque où l’État national était une réalité incontournable, et où son rôle principal était de garantir le bien public fondé sur un compromis social. Désormais, l’État se trouve en position de faiblesse vis-à-vis du capital transnational, qui peut lui imposer ses conditions, par un chantage à l’investissement ou à la fiscalité. Pour le mouvement syndical, cela signifie qu’il ne peut plus compter sur la protection de l’État. L’alternative à l’État, c’est d’organiser la force syndicale sur le plan international.

Marché du travail globalisé

Il y a désormais un marché global du travail: à cause de la fluidité des communications et de la mobilité du capital les travailleurs de tous les pays sont désormais en concurrence, dans tous les domaines de la production et des services, avec des écarts de salaire énormes. Là aussi les STN sont en mesure d’exercer un chantage à l’investissement, sur les États mais aussi sur les syndicats. Il y a non seulement les délocalisations, il y a aussi la restructuration des processus de production. Les entreprises «dégraissent», conservent un noyau de travailleurs hautement qualifiés, et elles sous-traitent la grande partie de la production à d’autres qui sous-traitent à leur tour, pour aboutir finalement au travail à domicile. Le marché mondial du travail globalement intégré est donc un marché de travail où l’emploi salarié régulier est en régression et où le secteur informel est en croissance: ce dernier représente déjà la majorité de la classe ouvrière mondiale.

Une réponse syndicale insuffisante

Si nous considérons les outils dont le mouvement syndical dispose pour faire face au capital transnational, nous sommes obligés de constater leur faiblesse. Les confédérations syndicales internationales existent: la Confédération  syndicale internationale (CSI) et de la Confédération européenne des syndicats (CES) par exemple. Mais, pour des raisons diverses qui tiennent à leur histoire, elles ont été incapables jusqu’ici de mener une action efficace pour reconquérir le terrain perdu les vingt dernières années. La raison fondamentale est le fait qu’elles sont composées d’organisations nationales qui, dans la plupart des cas, n’arrivent pas à dépasser le cadre national dans leur pensée et dans leur action. Même les Fédérations syndicales internationales (FSI), c’est à dire les internationales des secteurs industriels ou économiques, subissent les mêmes contraintes. Pourtant, les  FSI ont été en première ligne dans la lutte contre le capital transnational et, dans ce contexte, ont mené les actions syndicales internationales les plus efficaces qui ont valeur d’exemple, mais qui sont restées, hélas, isolées.

S’organiser internationalement

L’époque du syndicalisme  national est révolue et il faut trouver le moyen de  s’organiser sur une échelle mondiale. Pour cela, il est vrai qu’il n’existe pas de cadre législatif, mais nous n’en avons pas besoin: nous pouvons construire des nouvelles relations sociales internationales à partir d’accords internationaux avec les STN. Plus de soixante accords qui garantissent les droits syndicaux au niveau du groupe transnational ont déjà été signés; il est possible de bâtir sur ces acquis.

L’essentiel est cependant de construire des nouveaux rapports de force, notamment dans les STN, qui ont une position stratégique dans l’économie. Pour organiser les salarié-e-s des STN, les nouveaux moyens de communication nous donnent des possibilités. Avec l’Internet et le courriel, il est facile de construire des réseaux internationaux d’information, de coordination et d’action syndicale. De tels réseaux existent déjà dans certains secteurs et entreprises, pour la plupart dans le cadre des FSI; ils doivent servir d’exemple. Constituer de tels réseaux doit devenir un réflexe syndical dans chaque STN, sutout quand une nouvelle STN s’implante dans un pays.

Légaliser la grève de solidarité

Un autre domaine prioritaire doit être la défense des droits syndicaux en tant que droits humains fondamentaux. Il s’agit, notamment, du droit d’association et du droit à la négociation collective. Un autre droit peu reconnu mais essentiel est celui de mener des grèves de solidarité, en particulier sur le plan international. Le droit de grève est généralement reconnu, du moins en théorie, comme un droit fondamental. Cependant, la grève de solidarité internationale, et souvent la grève de solidarité tout court, est criminalisée dans la plupart des pays industrialisés, alors que c’est justement de ce droit dont nous avons le plus besoin dans une économie mondiale globalisée.

Pourquoi le syndicalisme devrait-il tenir compte des frontières, qui ne correspondent en rien à sa propre logique? Aujourd’hui, le mouvement syndical est seul à continuer à s’enfermer volontairement dans la logique territoriale de l’État national, alors que le capital depuis longtemps ne connaît plus de frontières et que les frontières s’estompent également à l’intérieur de grandes entités régionales, politiques et commerciales?

Voir aussi chapitres «Mondialisation» et «Mouvement syndical» sur le site du Global Labour Institute (www.global-labour.org )

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