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Le sous-enchère fiscale des cantons se poursuit

La concurrence fiscale entre les cantons fait rage, se transformant en cercle vicieux favorisant uniquement les plus hauts revenus et les gros actionnaires. Il est temps d’y mettre fin. Depuis plus de quinze ans, les cantons ne cessent de baisser leur charge fiscale, principalement celle qui touche les hauts revenus. Selon la Wochenzeitung du 14 septembre dernier, les cantons ont tous baissé leurs impôts depuis le début des années 1990, occasionnant un manque à gagner pour les cantons, variant de 2 millions de francs pour Appenzell Rhodes intérieures jusqu’à plus d’un milliard pour le canton de Zurich. Les statistiques sur la charge fiscale des cantons confirment cette tendance. Alors que la droite n’arrête pas de se plaindre de la progression de la charge fiscale en Suisse, ils oublient de souligner que c’est la fiscalité indirecte (TVA et taxes) ainsi que les charges (primes d’assurance-maladie et loyers), qui ont fortement augmenté en Suisse, alors que la fiscalité directe tend plutôt à baisser. Cette logique atteint plus fortement les bas salaires que les hauts revenus.

Cette spirale est encore accentuée par la concurrence fiscale entre les cantons qui cherchent à attirer sous leurs cieux fiscaux les plus gros revenus. L’introduction de l’impôt dégressif pour les très gros revenus dans plusieurs cantons avait défrayé la chronique à la fin de l’année dernière. Depuis lors la spirale se poursuit sournoisement, malgré l’existence de disparités cantonales déjà très fortes en matière fiscale (la charge fiscale varie de 1 à 3 entre les cantons, voir Pages de gauche No 41). Ce dumping fiscal n’a fait que s’accentuer ces dernières années notamment en raison des recettes excédentaires de la Banque nationale versées aux cantons, dont certains en ont profité pour diminuer leur charge fiscale. Comme toujours, cela concerne principalement les plus hauts revenus ou les bénéfices des entreprises. Tous les moyens sont bons pour attirer les plus riches, même si cela se fait au détriment de la cohésion nationale entre les régions du pays et en favorisant les inégalités sociales.

Rabais fiscaux pour les actionnaires

Outre les très hauts revenus, principalement visés par les cantons, le dumping fiscal touche aussi les impôts cantonaux sur les dividendes. Selon l’hebdomadaire Cash (14.9.06), depuis 2001, pas moins de quatorze cantons, essentiellement alémaniques, ont déjà (ou ont prévu pour 2007) baissé leur fiscalité sur les dividendes distribués aux actionnaires des entreprises. Ces réductions concernent uniquement les gros détenteurs d’actions (plus de 5% des actions d’une entreprise ou d’une valeur de plus 5 millions de francs) et atteignent entre 25% et 50% (et bientôt 80% à Zoug). L’ampleur du phénomène ne cesse d’inquiéter les responsables des finances cantonales, même les plus marqués à droite.

Suivant la brèche ouverte par certains cantons, Hans-Rudolf Merz, grand champion de la réduction des dépenses quand elles bénéficient aux couches défavorisées et à la baisse des charges quand elles concernent les milieux aisés, s’est rapidement exécuté après son élection pour proposer d’alléger la fiscalité des actionnaires. Dans ce projet de réforme de l’imposition des entreprises, le Conseil fédéral prévoit d’alléger de manière généralisée l’imposition des actionnaires, au nom de la suppression de la double imposition. Les dividendes ne seraient plus taxés qu’à 60 ou 80%. Selon le Conseil fédéral, cet allégement devrait représenter des pertes de recettes pour les cantons d’environ 460 millions de francs, presque autant que les pertes des cantons en raison de l’initiative COSA. La commission du Conseil national a encore empiré le projet du Conseil fédéral en prévoyant de baisser à 50% la taxation des dividendes, ce qui se traduirait par des pertes encore plus importantes pour les cantons.

Face à un tel projet, qui une fois de plus fait la part belle aux actionnaires, un référendum s’impose. En espérant les responsables des finances des cantons s’y opposeront avec la même énergie qu’ils ont combattu l’initiative COSA.

L’initiative du PSS

En réaction, le PSS va enfin lancer une initiative populaire «Pour des impôts justes et équitables», qui vise à mettre un frein à la spirale infernale de la sous-enchère fiscale des cantons. Cette initiative, qui sera lancée en octobre, prévoit d’introduire une harmonisation de la fiscalité cantonale sur les très hauts revenus (plus de 250’000 francs du revenu imposable, soit entre 300 et 350’000 frs. brut). Le texte ne devrait toucher que 2% de la population suisse. Il mettrait ainsi un terme à l’introduction des impôts dégressifs introduits dans plusieurs cantons au cours des dernières années. Même si l’initiative reste modérée et ne touche que les revenus des personnes physiques, l’initiative va dans la bonne direction et offre de réelles chances de victoire devant le peuple. On ne peut que regretter qu’elle intervienne si tard.

Elle constituera sans doute un enjeu politique majeur des prochaines élections fédérales et de la prochaine législature, tout comme les enjeux fiscaux en général. 

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