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Le choix des urnes

Du temps colonial aux transitions démocratiques des années 1990 en passant par les indépendances, la pratique politique a beaucoup évolué. Toutefois, lorsque les mots «Afrique et élections» figurent dans un même texte, il est trop souvent question de conflits, émeutes ou fraudes. Dans bien des cas, cela fait écho à la représentation répandue de l’Afrique comme un continent «perdu», traversé par des conflits incessants, incapable de se développer. Rien de nouveau à cela, car cette représentation manichéenne du continent africain avec tous les stéréotypes associés remonte déjà à la période coloniale. En outre, périodiquement, cette vision réductrice est réaffirmée au gré des enjeux et des nécessités. Le point commun est que «l’Afrique» a été toujours définie de l’extérieur selon les besoins des dominants et réduite à un état d’incapacité. Incapacité à devenir ou gérer un État, à assumer son destin, à se développer, à se prendre en charge. Définir pour mieux asservir, en quelque sorte; toujours pratique pour justifier l’intervention des «parents occidentaux».

Des élections contraires à «la nature»

Ainsi, les élections en Afrique seraient, par nature, des événements imparfaits, inachevés. Toutefois, de nomSénégal, Libéria, Côte d'Ivoire et Angola sont au coeur de notre dossierbreux exemples concourent à démontrer le contraire. L’Afrique du Sud, le Botswana, le Bénin, le Sénégal ou le Ghana à leur façon ont intégré la démocratie électorale dans leur trajectoire historique. Au Ghana, la dernière élection présidentielle a même consacré une deuxième alternance politique depuis le retour à la république en 1992. A plusieurs titres, le Nigeria ou l’Angola connaissent des développements intéressants.

Les élections posent aussi et surtout des questions sur l’État. Après la deuxième guerre mondiale, les puissances coloniales, aussi bien anglaise, française que portugaise, ne toléraient pas qu’on conteste leur prérogative. Tous les mouvements nationalistes ou vaguement indépendantistes furent violemment réprimés. Par exemple, en 1947, la répression française à Madagascar provoqua entre 40 000 et 90 000 morts. Le changement devait être contrôlé et dans ce cadre-là, les élections ne devaient en aucun cas remettre en cause l’ordre colonial. Paradoxalement, dans de nombreux pays, la période pré-indépendance donna lieu une intense vie politique entre différents mouvements.

Les indépendances des années 1960, et la certitude en l’action de l’État dans le développement de la nation, ont fonctionné comme une réduction du champ politique. Quel que soit le type de régime, les impératifs de développement primaient sur tout et ne souffraient aucune dissonance. Le parti unique devint donc la norme et les États occidentaux s’en félicitaient. Tous les champs autonomes du pouvoir ont été réduits à néant au nom de la construction nationale. En outre, la guerre froide n’a que renforcé ces tendances à l’autoritarisme. Toutefois, ce type de développement échouera dramatiquement. Ainsi, les années 1980 sont marquées par une dégradation des conditions économiques et verra l’introduction par la Banque Mondiale des premiers plans d’ajustement structurels et les conditionnalités (telles que l’ouverture des marchés, la privatisation des services publics, la réduction du déficit budgétaire).

Redécouverte d’une voix populaire il  y a vingt ans

A partir des années 1990, les dynamiques internes et externes se rejoignent; la redécouverte d’une «voix populaire» et des vertus de la protestation de masse recoupent les changements géopolitiques et provoquent des transitions démocratiques. Ainsi, sous des formes différentes, la majorité des pays du continent connaît un retour au multipartisme et voit la réouverture d’espaces précédemment fermés. Toutefois, ces années sont également celles de nombreux conflits armés aux effets dévastateurs: le Liberia, la Sierra Leone, le Zaïre, le Congo, la Somalie, pour ne citer que quelques exemples.
Afin de donner corps à tous ces changements, nous avons choisi, dans ce dossier, de parler de l’Angola, du Liberia, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Notre dossier se propose donc de rendre compte d’une partie des réalités complexes et différentes (voire insaisissables) et des contradictions inévitables qui traversent tous ces pays.

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