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Jury : la sagesse populaire agace les ténors du barreau genevois


Cyril Mizrahi, constituant, vice-président du PSG


«Les gens ont été désinformés, découragés; ils n’ont rien compris (…).» La réaction du très médiatique pénaliste Me Jacques Barillon, au lendemain du résultat, résume à elle seule l’hypocrisie du barreau genevois, autoproclamé protecteur d’une démocratie judiciaire mal comprise. La source de ce courroux? Le 17 mai dernier, le peuple genevois a accepté à presque 2 contre 1 (64%) une adaptation de la Constitution genevoise au futur Code de procédure pénale fédéral unifié.

 

Un résultat qui a pris le monde politique et judiciaire totalement de court. La suppression du jury – le seul point contesté – avait certes été largement approuvée par le Grand Conseil, mais, ensuite d’une opération de lobbying aussi rapide que tardive de quelques avocats, était combattue par une coalition hétéroclite composée de l’extrême-gauche, des Verts, des Radicaux et de l’extrême-droite.

Une coalition à laquelle faisait écho le soutien de la presse au jury, de la Tribune de Genève au Courrier. Le PS, absorbé par une importante votation sur l’école, avait peu de moyens à disposition, et certains camarades éminents n’ont guère hésité à s’exprimer publiquement contre l’avis du parti, soutenant la nouvelle doxa politico-médiatico-judiciaire. Lorsque le soussigné a créé un groupe Facebook pour soutenir la réforme, le climat était tellement hostile que la démarche a passé pour une provocation. «Tu veux te suicider politiquement?» m’a interrogé avec inquiétude un ami vert.

Les craintes étaient réelles que Genève ne se distingue une fois de plus en maintenant un jury largement considéré comme contraire, sinon à la lettre, du moins à l’esprit de la nouvelle procédure, essentiellement écrite. Ces arguments techniques n’ont pas convaincu les opposants, qui ont fait assaut de populisme: il fallait que le peuple continue d’être associé à la justice afin qu’elle ne fonctionne pas en vase clos.

Le 17 juin, n’en déplaise à quelques avocat-e-s privés d’effets de manche, le peuple ne s’y est pas trompé: la démocratie directe implique la participation populaire aux décisions politiques, non celle de citoyen-ne-s choisis au hasard à des décisions judiciaire individuelles. Comme en matière de naturalisations, la démocratie trouve ses limites dans le respect des droits fondamentaux, notamment le droit à une décision motivée. Et des juges assesseurs élus continueront d’assurer un contrôle «laïc», soit extérieur au palais.

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