Par Arnaud Thièry
L’entrée en vigueur du Code de procédure pénale suisse est prévue pour 2011. Retour sur une révolution législative étonnement silencieuse au vu des enjeux juridiques, politiques, fédéralistes et émotionnels liés à la répression de la criminalité.
Un volumineux rapport d’experts de décembre 1997 conseillait de remplacer les 26 codes de procédure pénale des Cantons et les trois lois de procédure fédérale par un seul Code de procédure pénale suisse. Les experts estimaient que la globalisation de la criminalité rendait nécessaire d’unifier le cadre dans lequel les poursuites s’exerceraient. Dans la procédure de consultation, la grande majorité des partis et des cantons s’est prononcée en faveur de l’unification. Lors des débats parlementaires, l’opposition est surtout venue des député•e•s romand•e•s, tous partis confondus, qui regrettaient l’abandon d’un modèle qui séparait l’enquête de l’accusation, pour désormais regrouper toutes les compétences en une seule instance, le ministère public.
Dans l’ensemble, l’adoption du Code de procédure pénale suisse le 5 octobre 2007 n’a pas provoqué de tremblement particulier dans les états-majors des partis. Et pourtant: que Christoph Blocher qualifie la loi de projet du siècle aurait dû en faire tiquer plus d’un. Or, c’est maintenant que nous nous trouvons dans le délai laissé aux Cantons pour adapter leurs structures de poursuite pénale à la nouvelle donne que s’effectue véritablement la prise de conscience.
L’objectif était de lutter contre la criminalité organisée et transfrontalière. Au résultat, la procédure pénale suisse renforce dramatiquement les pouvoirs des procureurs (traditionnellement rattachés au pouvoir exécutif) qui seront chargés à la fois d’enquêter à charge et à décharge, puis de conduire l’accusation – uniquement à charge, cela va de soi. En matière d’efficacité, la concentration des compétences qui résulte de l’abandon des juges d’instruction va sans doute améliorer les moyens de l’État.
Les droits des prévenus devront principalement être assurés par un avocat de la première heure qui aura très vite accès au dossier et sera chargé de faire contrepoids au procureur dès la phase de l’enquête. Ce modèle peut se justifier dans le cadre d’un procès de grande envergure, impliquant des prévenus qui disposent effectivement de moyens égaux ou supérieurs à ceux de l’État et qui peuvent eux-mêmes intervenir durant l’enquête. Dans la réalité quotidienne, il est à craindre que les avocats commis d’office ne rivalisent pas avec les autorités.
La «révolution silencieuse» de la nouvelle procédure pénale a unifié une compétence jusqu’alors cantonale, dans l’indifférence générale. La lutte contre la «criminalité globalisée» a débouché sur le simple renforcement de l’accusation dans les procès pénaux. Les Cantons restent compétents en matière d’administration de la justice et disposent d’une marge d’autonomie pour encadrer la réforme. Si le jury populaire n’est plus une possibilité d’associer les citoyen•ne•s aux procès criminels, les Cantons peuvent – et se doivent de – prévoir des garanties pour l’indépendance des procureurs vis-à-vis des Conseils d’État. Au niveau fédéral, confier au parlement l’élection du Procureur de la Confédération et de l’autorité de surveillance est une option à soutenir.