Entretien avec Rudolf Rechsteiner, conseiller national PS/BS et spécialiste de la politique énergétique. Il est notamment lauteur de la prise de position du PSS sur les énergies renouvelables.
Quels sont les facteurs économiques qui portent les énergies renouvelables?
3. Les techniques dexploitation, au fur et à mesure de leur développement, sont toujours moins coûteuses, à la différence des techniques fossiles et nucléaires, où la limitation des combustible conduit à des hausses de prix et 4. Elles jouissent dune acceptation de plus en plus large.
Les énergies renouvelables ont une autre réputation: elles sont chères et dépendent des subventions.
Cétait le cas autrefois, mais cela est de moins en moins vrai aujourdhui. En plus, on ne peut pas comparer danciennes centrales nucléaires ou au charbon, déjà amorties, avec de nouvelles installations solaires ou éoliennes. Les centrales hydro-électriques prouvent que les énergies renouvelables peuvent être très avantageuses et sûres. Lénergie éolienne coûte aujourdhui en matière dinvestissement à peu près autant, voire moins, que lénergie hydraulique, mais la disponibilité du vent est nettement plus grande que celle de lénergie hydraulique. Cela est aussi valable pour lénergie solaire dans les pays qui ont des réseaux électriques défaillants, et encore plus pour la biomasse et la géothermie.
Pourquoi ces nouvelles technologies simposent-elles aujourdhui?
Cela tient aux prix du pétrole et du gaz, mais aussi aux changements sur les marchés: jusquà récemment les techniques solaire et éoliennes nétaient développées que dans quelques pays qui les incitaient. Aujourdhui, un véritable marché mondial a vu le jour. Les subventions sont dans la plupart des cas encore nécessaires, lorsque la concurrence (le charbon et latome) est elle aussi fortement subventionnée ou lorsquil sagit dénergies très innovatrices, comme le photovoltaïque, la géothermie profonde ou les installations délectricité thermique solaire. Aussi longtemps que le marché croît et que la masse critique est atteinte (permettant ainsi des baisses de coûts), ces nouvelles énergies, notamment lénergie éolienne devraient pouvoir se passer de tout soutien financier. Les prix de rachat de lénergie éolienne baissent dannée en année et sont très souvent plus bas que ceux des nouvelles centrales nucléaires ou au charbon.
Quels sont les marchés qui croissent le plus vite?
En matière dénergie éolienne, il y a une douzaine de pays qui disposent dun potentiel de croissance annuelle situéentre 1’000 et 3’000 mégawatts. A côté des pays pionniers (Danemark, Allemagne, Espagne et Inde), on trouve les USA, la Chine, lItalie lAustralie, la Grande-Bretagne, le Canada, le Brésil, le Portugal et même la France. Les autres pays sont la Suède, la Norvège, le Mexique, lEgypte et la Nouvelle-Zélande. Sur la côte ouest de lAfrique et au Moyen-orient, se trouvent de gigantesques potentiels en matière dénergie éolienne. En matière dénergie solaire, on trouve le Japon, lAllemagne et les USA, puis lEspagne, lItalie et la Chine. Dans ce pays, de nouvelles entreprises, comme Yingli, LDK et Suntech Power, devraient multiplier par 100 leur production dici 2010.
Quattendent les gouvernements du développement de ces énergies?
En matière dénergies renouvelables, chaque pays suit sa propre voie et sapprovisionne de manière autonome à la différence des décennies précédentes où les centrales nucléaires ou à charbon furent financées sur le plan international et importées grâce à dimportantes subventions publiques. Même si aujourdhui le savoir-faire se concentre toujours dans les grandes multinationales et est importé, la tendance à la production dénergies locales conduit à la création de nouvelles forces politiques. Par exemple, un «lobby du solaire» devrait bientôt voir le jour en Chine.
Que cela signifie-t-il en chiffres et où en est la technique nucléaire?
Depuis 1990, la capacité nette de lénergie nucléaire a progressé en moyenne mondiale de 2900 mégawatts par année. Cela représente seulement trois «centrales Gösgen» par année et ce résultat est stable. Si lon compare avec les énergies solaire et éolienne: lénergie éolienne a augmenté en 2005 denviron 11500 MW (+43% par rapport à lannée précédente). Un doublement de la production tous les deux ans est observable en matière dénergie solaire.
Ces tendances ne sont-elles pas très incertaines?
Il y a des incertitudes, mais la croissance est plus forte quauparavant. Lacceptation de ces nouvelles techniques, en raison de leur compétitivité croissante, va continuer à croître. Ce qui est décisif cest leurs temps de construction très brefs, leur flexibilité, leur bilan écologique positif et leurs coûts. Il ny a pas dalternatives plus efficaces aux énergies renouvelables. Partout dans le monde, émergent de nouvelles classes moyennes qui préfèrent des produits écologiques. Dans les pays du Sud, certaines familles peuvent atteindre un niveau de vie comparable au nôtre grâce à lénergie solaire. Ce boom à léchelle planétaire stimule la croissance. La situation nest pas comparable à 1973, lorsque le choc pétrolier tuait la conjoncture.
Avons-nous besoin dun programme national dénergie comme en 1973?
Tendanciellement, non. Ce qui sest produit en 1973 ne doit pas se reproduire. A lépoque les partisans de lénergie atomique ont instrumentalisé la crise à leur profit. Ils ont réussi à attirer des milliards de francs pour la recherche en matière nucléaire. Les énergies renouvelables navaient rien obtenu à lépoque et furent constamment sous-estimées. Aujourdhui cependant, le marché mondial croît dans une autre direction. Ce dont nous avons besoin prioritairement en Suisse sont de plus gros efforts en matière dinvestissements et une plus grande efficacité énergétique.
Adaptation et traduction de la rédaction dun article paru dans la Rote Revue 2/2006.
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