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Espagne: entre blessures du passé et élections à venir

Alors qu’approchent les élections générales en Espagne qui auront lieu le 9 mars 2008, le paysage politique ibérique révèle les blessures et les divisions héritées du franquisme. Retour sur la législature du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero.

Mars 2004. Le parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) remporte les élections, mettant ainsi en échec le Parti populaire (PP) de José Maria Aznar qui gouvernait depuis 8 ans. Accusé par ce même parti d’avoir «bénéficié» des attentats islamistes qui touchèrent la capitale trois jours seulement avant l’échéance électorale, Zapatero entreprend très vite une modernisation du pays. Retrait des troupes espagnoles d’Irak, restitution à la Catalogne des archives volées par les franquistes en 1938 et entreposées depuis lors à Salamanque, loi sur la violence conjugale, légalisation du mariage homosexuel (ainsi que de l’adoption par des couples), révision des statuts d’autonomie des régions, ouverture de négociations de paix avec l’ETA – consenties pour la première fois au préalable par la majorité du Parlement.

Les réformes se succèdent à mesure que les foudres de la droite conservatrice appuyée par l’Eglise catholique et ses mouvances ultras s’abattent sur le gouvernement socialiste. C’est que la morale du pays est gangrenée par le catholicisme depuis 70 ans. Mais c’est autour de la rédaction d’une loi sur la mémoire que les déchirements politiques et sociétaux se sont cristallisés durablement et ont donné ainsi le ton de la campagne électorale à venir.

Un devoir de mémoire

En effet, fin 2007, le Parlement approuve une loi qui s’attaque de front aux blessures du passé. Tout d’abord, elle vise à réhabiliter toutes les victimes de la guerre civile et de la dictature à travers une augmentation des aides financières. Elle prévoit ensuite l’exhumation des cadavres des républicains enterrés anonymement dans des fosses communes. Enfin, elle supprime les symboles franquistes du domaine public.

L’adoption de cette loi se résumera à trois heures de débat intense et émotionnel qui parcourront septante ans d’histoire. Dans le public, une centaine de combattant-e-s antifranquistes encore vivant-e-s, applaudissent ou pleurent. Dans l’hémicycle, la droite crie au scandale: elle ne soutiendra pas une législation qu’elle juge populiste et vengeresse ainsi qu’au service de familles de parlementaires de gauche. A gauche, on dénonce la consécration des symboles et hommages à la dictature, pléthoriques dans la péninsule hispanique. On s’insurge aussi contre le nombre de cadavres – qu’on estime à 90’000 au minimum – enterrés anonymement dans des fosses communes qui jonchent les villes et campagnes du pays. La loi prévoit dès lors de déléguer aux régions et aux communes de localiser les charniers pour cartographie et de faciliter ainsi l’exhumation des corps.

Si les critiques ont fusé à droite, des voix se sont également élevées à gauche en regrettant un projet trop timide. En effet, si la loi de la mémoire rend hommage aux combattant-e-s républicains ainsi qu’aux opposant-e-s au régime franquiste, elle n’édicte pas l’annulation des jugements et condamnations prononcés durant la guerre civile et la dictature. Le nouveau texte se contente de les qualifier d’«illégitimes».

Des élections et un programme

C’est donc dans un climat politique extrêmement tendu que la campagne électorale a été lancée à la fin 2007. Depuis, le PP continue à assener de coups Zapatero qu’il tente de discréditer sans répit. Dans les rangs du PSOE, on riposte à l’alarmisme et aux peurs de la droite – exprimées à grands renforts médiatiques -, en martelant des propositions programmatiques. Après l’entrée en vigueur d’une loi sur l’égalité entre hommes et femmes, Zapatero promet 300’000 nouvelles places d’accueil en garderies et la création de 1’200’000 postes de travail destinés aux femmes. Après l’entérinement de l’aide au logement pour les jeunes, il promet de rehausser les rentes de vieillesse. Les salarié-e-s ne seront pas en reste: si le peuple espagnol lui confie un nouveau mandat, ZP, comme on aime à le nommer, continuera à augmenter le salaire minimum pour atteindre la somme de 800 euros mensuels.

Les sondages le donnent gagnant. Le cas échéant, saura-t-il cette fois réconcilier le pays?

 

 

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