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Des conditions de travail précarisées

Entretien avec Stephanie Vonarburg, secrétaire centrale de Comedia, responsable du secteur presse et médias électroniques.

PdG: En Suisse alémanique et au Tessin y a-t-il toujours un vide conventionnel?

SV: Schweizer Presse (Presse Suisse), l’association faîtière des éditeurs a une position très intransigeante. Son président Hanspeter Lebrument qui est à la tête du groupe de la Südostschweiz AG, impose un style dictatorial et règne en patriarche sur les Grisons, Schwyz et Glaris, donc une bonne partie de la Suisse orientale. Editeur très puissant, il a été qualifié par certains de Berlusconi alpin.

Comment se passent les discussions?

Depuis la dénonciation de la CCT en 2004, les discussions ont d’abord fait long feu, plusieurs séances ont eu lieu avant tout pour parler et se mettre d’accord sur les modalités des pourparlers. Puis, des conditions absolument non négociables ont été imposées par les éditeurs, dont la plus inacceptable était évidemment de ne pas avoir le droit de parler des salaires! Et une autre était de se soumettre à une paix du travail absolue, avant même d’entamer les négociations…Ce qui revenait à imposer une muselière aux syndicats, en lui interdisant la moindre action.

Cela dit, en Suisse alémanique, nous avons compris que les manifestations ne seraient pas assez massives, de toute façon. Fin 2005, Comedia et Impressum ont alors un peu changé de stratégie et déposé une plainte auprès du tribunal arbitral fédéral, organe ad hoc.

Schweizer Presse est il un bloc monolithique?

Non, certainement pas, mais Lebrument impose vraiment son style. A la table des négociations, il y a en général, huit éditeurs, mais lui seul parle. Lebrument s’emploie à nous faire passer pour des conservateurs et des personnes ne connaissant pas la branche, il polarise fortement, et décrète que les syndicats ne sont pas capables de propositions nouvelles. Nous assistons à une forme d’«udécéisation» (UDC) de la part des éditeurs.

Quel argument pour refuser quasiment toute ouverture?

Très paternaliste; en gros, il consiste à dire: «la presse suisse paie bien, nous n’avons pas besoin d’automatisme. Nous ne voulons pas des fonctionnaires».

Qu’en est-il des salaires?

Début 2007, une étude, réalisée par à l’Union syndicale Suisse, a montré que les éditeurs n’ont pas profité du vide conventionnel pour diminuer massivement les salaires. Par contre, la situation des journalistes libres (les free-lance) s’est détériorée. Les jeunes, la relève en somme, elle, est touchée par la dérégulation des conditions de travail.

Et sur le plan général des conditions de travail?

C’est là que la situation a sans doute empiré. Il y a eu entre 2002 et 2005 des réductions assez massives de postes dans la presse écrite, alors que parallèlement des nouveaux titres faisaient leur apparition. Souvent des personnes débutant dans la branche ont occupé ces nouveaux postes et elles étaient parfois prêtes à accepter des conditions moindres, car le journalisme est encore une profession qui fait rêver. Elle attire peut-être des personnes qu’en allemand on nomme des «Selbstausbeuter» (qui s’exploitent eux-mêmes) et ont une très forte identification à leur métier. Une autre évolution m’inquiète: celle des salaires entre femmes et hommes.

Comment Comedia entend poursuivre le combat?

Depuis six mois, Impressum et nous sommes dans une nouvelle phase de relation avec les éditeurs. Nous avons ainsi défini un catalogue de revendication, à part les salaires, qui comprend cinq problèmes: 1) La relève et les conditions relatives aux stages; 2) La question des journalistes libres; 3) Les personnes avec charge de famille; notamment les femmes seules s; 4) Les personnes fragilisées, en congé maladie par exemple, car les conditions de la perte de gains maladie-accident se sont péjorées; enfin, 5)l’état général de la profession: la question de la qualité, liée au rythme de travail de plus en plus effréné, celle de la dotation en personnel dans les rédactions, les questions éthiques liées au métier…

 

Propos recueillis par Valérie Boillat

 

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