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De la «thérapie de choc» au système Poutine

De la transition libérale du début des années 1990 à la reprise en main de l’économie par Poutine, bref aperçu des réformes économiques depuis l’effondrement de l’Union soviétique.

Après l’accession au pouvoir de Boris Eltsine en 1991, le gouvernement russe a suivi à la lettre les m esures économiques de transition libérale préconisées par les conseillers du FMI et les institutions financières occidentales. C’est sous l’impulsion du premier ministre Egor Gaïdar et de ses successeurs que fut mise en œuvre la fameuse «thérapie de choc» à partir de 1992. Celle-ci s’appuyait sur quatre axes: 1) la libéralisation des prix; 2) l’ouverture à la concurrence internationale; 3) la réduction des dépenses de l’Etat; 4) les privatisations des entreprises d’Etat. Cette transition libérale déboucha sur la prise de pouvoir économique et politique par une petite caste d’«oligarques» et sur la profonde détérioration des conditions de vie de la grande majorité de la population.

La prise de pouvoir des oligarques

L’«ère Eltsine» de 1992 à 2000, avec une réélection en 1996, s’est caractérisée par l’influence considérable des conseillers occidentaux, en particulier des Etats-Unis, et la montée en puissance des oligarques, les anciens bureaucrates de l’appareil d’Etat soviétique convertis au capitalisme.

Au moment de la dissolution de l’URSS, il existait deux manières de partager les richesses de l’Etat. Une première voie était de distribuer les richesses entre les citoyens. Entre 1992 et 1994, des coupons, censés permettre aux travailleurs de racheter leurs usines, ont été distribués à la population. Cette distribution s’est rapidement révélée être une farce amère pour l’immense majorité de la population qui s’est retrouvée face à des actions d’entreprises qui avaient perdu toute valeur. Parallèlement, une minorité de cadres et de managers arrivait à tirer profit de ces privatisations grâce à une connaissance intime de l’appareil de production, et à prendre le contrôle de grandes entreprises pour une bouchée de pain, souvent grâce à des moyens financiers provenant de l’Ouest.

La deuxième manière de partager les richesses a été beaucoup plus radicale. A partir de 1994, Eltsine mit aux enchères des participations dans les entreprises publiques. En réalité, la propriété publique a été largement bradée à des prix proprement scandaleux. Un exemple célèbre est l’entreprise Norilsk Nickel (n°1 mondial du cuivre) dont 38% des actions ont été cédées pour quelques centaines de millions de dollars, alors que le chiffre d’affaires annuel de la firme était de 2,5 à 3 milliards de dollars en 1995. Le but de cette manœuvre n’était pas de rétablir les comptes de l’Etat, mais visait à la création immédiate d’une classe capitaliste en Russie.

Lors des processus de privatisation, une petite caste d’anciens apparatchiks du régime réussit ainsi à prendre le contrôle pour une bouchée de pain des grandes entreprises étatiques des secteurs clés de l’économie russe, en particulier dans les secteurs des hydrocarbures (pétrole et gaz), de la banque et de la presse. Cette période de transition pour la société russe mit en évidence les collusions d’intérêts directs entre les intérêts financiers occidentaux et la nouvelle caste des oligarques.

La population paie les pots cassés

Cette transition brutale vers le capitalisme, sans règles et gangréné par les copinages, suscita une profonde hostilité de la population envers le libéralisme économique, mais aussi contre l’idée même de démocratie. Au milieu des années 1990, la perspective de plus en plus sérieuse d’une victoire du candidat du parti communiste Zyouganov à l’élection présidentielle de 1996 conduisit les oligarques à tout mettre en œuvre, notamment grâce à leur contrôle des principaux médias, pour assurer la réélection de Boris Eltsine, qui avait atteint des records d’impopularité en 1995. En contrepartie de leur soutien, les oligarques furent récompensés par un accès encore plus direct au cœur du pouvoir politique, à travers la nomination de plusieurs de leurs représentants.

Le démantèlement de l’Union soviétique signifia la perte de statut de grande puissance pour la Russie, et une atteinte portée à la fierté nationale. De plus, la phase de transition des années 1990 se matérialisa par une profonde détérioration des conditions de vie de la grande majorité de la population russe: une forte progression des inégalités sociales, l’apparition d’une pauvreté de masse, la remise en cause de certaines prestations de base, comme l’accès aux services de santé et aux biens de première nécessité, des niveaux de retraite incapables d’assurer un minimum vital, la diminution de l’espérance de vie ou encore le développement de la criminalité. La situation se détériora encore après la crise financière de 1998: les dettes publiques étaient considérables et le PIB de l’économie russe était nettement inférieur à celui de la fin de l’époque soviétique.

L’élection de Poutine

La nomination de Vladimir Poutine, formé au KGB et très hostile au démantèlement de l’URSS, au poste de premier ministre en 1999, puis son élection à la présidence en 2000, avec le soutien des oligarques, marque un tournant politique .

D’une part, il restaure l’autorité de l’Etat central par rapport aux régions avec des aspirations séparatistes. D’autre part, il n’hésite pas à se retourner contre ses «riches supporters» après son élection, en reprenant le contrôle de certaines entreprises contrôlées par des oligarques qui pouvaient lui faire de l’ombre: le groupe Media-Most, contrôlé par V. Goussinski, fut repris par l’entreprise d’Etat Gazprom; idem pour Beresovski qui s’exila en Angleterre et Mikhail Khodorkovski, à la tête de l’entreprise Youkos, qui fut mis en prison, en même temps que l’Etat reprenait le contrôle de sa société.

 

 

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