99%: Une solution, la lutte des classes!

Entretien de Tamara Funiciello •

Après le dépôt de l’initiative 99 %, Pages de gauche se penche avec Tamara Funiciello, (désormais ex-)présidente de la Jeunesse Socialiste Suisse (JSS), sur les raisons qui ont poussé les jeunes socialistes à lancer cette initiative.

Pourquoi est-ce que la JSS s’est décidée à lancer cette initiative?

Nous ne l’avons pas fait, bien entendu, dans le seul but de nous faire remarquer. Si nous avons décidé de lancer l’initiative des 99%, c’est pour que certaines idées qui ne sont pas assez présentes dans l’espace public puissent être discutées.

Quant à l’utilité d’une telle démarche, il suffit de regarder le chemin parcouru par la JSS ces dix dernières années pour s’en convaincre. Elle a par exemple réussi à relancer le débat sur la répartition des richesses en Suisse. Dans le même temps, elle s’est considérablement renforcée. Il ne faut pas oublier qu’une initiative vise aussi à former les membres de notre propre parti et à les préparer à participer activement à la vie politique.

Que visez-vous avec cette initiative?

L’initiative a pour but premier de taxer plus fortement les revenus du capital par rapport aux salaires et aux rentes. Avec ce texte, nous rappelons que certaines personnes n’ont pas besoin de travailler pour devenir plus riches, alors que les 99% doivent, eux, travailler pour vivre. Ce qu’il est important de souligner, c’est que ces 99% travaillent pour les 1%, car sans travail il n’y a pas de nouvelles richesses.

Il y a un oubli dans la société du fait que les rapports de force ne se jouent pas entre travailleuses·eurs de différentes nationalités mais entre capitalistes et travailleuses·eurs, entre celles et ceux qui profitent du travail des autres et celles et ceux qui doivent travailler pour vivre.

En plus de mieux redistribuer ces richesses, l’initiative veut également combattre l’évasion fiscale des contribuables les plus riches vers la Suisse, laquelle diminue significativement les rentrées fiscales de pays du monde entier.

Vos précédentes initiatives poursuivaient-elles les mêmes buts?

Nos autres initiatives étaient en effet assez proches, mais celle-ci revient aux fondamentaux: elle parle de capital et de capitalisme. Son objectif est de démontrer l’importance du travail, et de faire prendre conscience aux 99% que leur pouvoir est immense. Nous voulons faire comprendre que sans travail, il n’y a pas de production de richesses et que les riches ne participent pas à ce processus. C’était déjà l’objectif de l’initiative 1 : 12, mais nous n’y parlions pas aussi clairement des rapports de force.

Pensez-vous que la population sera réceptive à ces idées?

Il ne faut pas sous-estimer la population. Les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Un ras-le-bol général face à cette situation commence à s’installer. Les gens se sont montrés très réceptifs à notre message lors de la récolte des signatures, et ils étaient même prêts à s’investir davantage dans ce combat.

Cette initiative tente de donner une réponse sensée à ces questions, et notre réponse reste la lutte des classes!

Cette réponse peut paraître manquer de «modération», mais c’est la seule réponse possible face au capitalisme. L’initiative quant à elle n’est pas extrême, elle vise simplement à thématiser ce problème et à y apporter une solution cohérente.

Ne faut-il pas éviter de trop simplifier des sujets politiques complexes?

Je ne pense pas que nous simplifions la situation. Le texte d’initiative est certes un peu ardu, mais nous n’avons pas cherché à complexifier ce qui ne l’est pas. Notre discours est absolument clair: le travail de chacun·e est la base de la richesse des gens qui sont plus riches.

Je suis populiste, je l’ai toujours dit clairement, et ce n’est pas un problème pour moi. Ce qui est important, ce n’est pas comment on dit les choses, mais ce que l’on dit. Et en l’occurrence, ce que nous disons avec ce texte, c’est qu’il est inacceptable que les 300 personnes les plus riches de Suisse gagnent 60 milliards de francs par année alors que, en même temps, un million de personnes sont menacées par la pauvreté.

Si l’on suit la JSS, cette initiative va régler tous les problèmes?

Il faut faire attention de ne pas voir dans une fiscalité de gauche la solution à tous les problèmes car nous n’allons pas dépasser le capitalisme avec des impôts. Il faut cependant que la gauche n’oublie pas qu’il est possible de taxer justement les entreprises et les personnes. Lorsque je vois que certaines personnes de gauche pensent que la baisse de l’imposition des entreprises est une bonne idée, je constate qu’il y a encore du travail à faire sur ce plan!

Dire que les gens profitent de ces baisses est une erreur. Nous avons assez de mauvais exemples à ne pas suivre pour le prouver. Zoug en est un, où à la suite d’une diminution des impôts des entreprises et des plus fortuné·e·s, le prix des appartements a fortement augmenté. Puis les autres cantons ont suivi cet exemple, et Zoug s’est donc trouvé au même taux d’imposition que ses voisins, mais avec moins d’argent à disposition dans les caisses publiques.

Cette initiative veut mettre fin à cette politique de concurrence fiscale. Elle constitue un premier pas vers une taxation inter-cantonale égale des revenus du capital.

Quels sont les problèmes d’imposition que cette initiative pourrait régler en Suisse ?

La RFFA (Réforme fiscale et financement de l’AVS) est l’exemple le plus récent. Elle représente de nouveau une diminution des possibilités de taxation. Avec ce projet, le parlement veut taxer les dividendes des personnes à 70%, alors que l’impôt sur le revenu l’est à plus de 100%. Ce genre de mesures affaiblit l’AVS, ce qui reporte la facture sur les travaileuses·eurs, et non sur celles et ceux qui en ont les moyens. Ces mesures ne vont pas dans la bonne direction. Notre initiative, au contraire, fixe le niveau d’imposition du capital au double de ce qui est prévu par la RFFA. Si ce projet funeste est accepté, les pertes pour toute la population vont être immenses, comme ça a déjà été le cas pour la RIE II.

Propos recueillis par Muriel Waeger, membre de la JSS.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 171 (printemps 2019).

Crédits image: Ying Ge sur Unsplash

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