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Résultats électoraux du Parti socialiste: quelle lecture?

Surpersonnalisation de la politique et analyses à l’emporte-pièce ne font pas bon ménage. Les résultats électoraux parfois catastrophiques, il est vrai, du Parti socialiste dans certains cantons alémaniques s’expliqueraient notamment par un président du PSS «pas encore suffisamment connu» outre-Sarine, nous dit-t-on dans les médias. Difficile de croire à cette argumentation alors qu’au plus tard depuis l’éviction réussie de Christoph Blocher du Conseil fédéral et son arrivée à la tête du PSS, Christian Levrat est extrêmement présent. Abstraction faite du dossier de la position du parti à l’égard de la thématique de la sécurité publique qui a beaucoup trop longtemps occupé le devant de la scène en 2008, le PSS a réussi à imposer des débats politiques importants à l’échelle nationale: rémunération des haut-e-s dirigeant-e-s, participation directe des pouvoirs publics dans la gestion des entreprises soutenues par l’argent public, politique de crise de la Confédération.

Des problèmes de fond

Le problème est ailleurs et l’espace trop court pour l’aborder en profondeur. Trois points cependant. Premièrement, dans une partie de l’élite socialiste, la question sociale ou la thématique de la redistribution des richesses ont fait place à une domination d’un discours sur la «qualité de la vie» aux contours flous. Conséquence: une plus forte préoccupation pour un électorat hautement diplômé et souvent très bien payé. Une preuve récente en est par exemple l’entrée en matière des député-e-s socialistes au Grand Conseil zurichois en faveur d’allègements fiscaux touchant des ménages jusqu’à 180’000.- de revenu imposable annuel. Autrement dit, près du triple de ce que gagne un-e salarié-e suisse en moyenne sur une année. L’engagement prioritaire pour la justice fiscale et l’amélioration de la politique sociale en subissent les conséquences. Et l’électorat populaire a tendance à voir ailleurs ou à ne voir nulle part, en s’abstenant.

En second lieu, un certain «pragmatisme» gestionnaire fait en sorte que les clivages réels entre la gauche et la droite sont souvent gommés et les socialistes se voient associé-e-s, à tort ou à raison, à une sorte d’Union sacrée de l’ensemble des partis gouvernementaux. Dans les cantons où de véritables progrès sociaux peuvent être obtenus, cette dilution partielle de l’image ne pose pas de problème particulier. Par contre, là où la gauche participe à des gouvernements au rapport de force écrasant en faveur des partis bourgeois, le problème peut devenir profond.

Démocratisation

Enfin, aussi longtemps que le réformisme de croissance (c’est-à-dire l’exigence que la majorité populaire puisse participer à la redistribution des fruits de la croissance économique sans que ne soit touchée la structure de l’économie) conditionne de manière forte la politique socialiste, il restera difficile de créer une dynamique politique durablement favorable au PSS. La perspective d’une démocratisation et pacification constante de l’ensemble des activités humaines a joué un rôle tout aussi important dans l’histoire de la gauche démocratique que celle d’une amélioration des conditions de travail et de vie immédiates. Intégrer à nouveau ces deux dimensions de la raison d’être du projet socialiste prendra du temps. Les positions de Christian Levrat indiquent en tout cas que cette volonté est intacte à la tête du parti. Aux sections locales et aux militant-e-s de s’approprier également ce débat central.

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