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Lausanne: une ambition pour le logement

Version longue d’un article paru dans Pages de gauche N° 146

La crise qui sévit sur le marché du logement est bien connue. L’augmentation spectaculaire de la population, et donc de la demande, les changements dans les modes de vie, et aujourd’hui un argent très bon marché ont fait exploser les prix, tant à la vente qu’à la location. On apprend dans le récent rapport du Conseil fédéral sur la classe moyenne que le coût du logement représente entre 20 et 30% du salaire des ménages locataires dont les revenus sont bas ou moyens – il est aisé d’imaginer que cette proportion est plus fort dans les zones à fort pénurie où les loyers ont augmenté ces dernières années, comme l’arc lémanique.

Cette situation largement reconnue comme problématique s’inscrit, par ailleurs, dans un cadre institutionnel et juridique qui ne se caractérise pas par sa simplicité: les locataires disposent essentiellement d’outils de droit privé. Les collectivités peuvent faire un usage plus ou moins extensif d’outils juridiques pour empêcher les expulsions et limiter la spéculation. S’y ajoute le développement d’investissements publics directs ou indirects dans la construction d’habitations à loyers abordables ou subventionnés.

Dans ce contexte, la Ville de Lausanne mène depuis de nombreuses années une politique au service du plus grand nombre en usant de toutes les possibilités qui se présentent à elle. L’effet le plus frappant, quantitativement, est probablement l’accélération sans précédent de la construction par les investisseurs publics et d’intérêt public sur la législature en cours. Ce sont ainsi plus de 2000 logements qui auront été mis en chantier sur la période, contre environ 800 lors de la précédente. Ils se répartissent, grosso modo, en trois tiers entre le secteur subventionné (abaissement du loyer pendant quinze ans par un financement public communal et cantonal, puis limitation des rendements), les logements à loyer abordable (limitation des rendements admis pour les fonds propres) et les logements mis en location sur le marché libre.

Dans certains projets novateurs, logements subventionnés ou pour étudiant·e·s et logements sans conditions d’accès se combinent étage par étage, réalisant la mixité à l’échelle du bâtiment déjà. Dans d’autres cas, l’inclusion d’une faible part de logements en propriété dans de grands ensembles permet d’extraire une part de la plus-value issue de la vente pour diminuer les coûts, et donc les loyers, des autres appartements.

L’action municipale ne se résume pas à un programme de construction publique, même si on peut estimer qu’aujourd’hui un permis de construire délivré sur deux concerne un projet lié au secteur public: ainsi, un crédit d’acquisition d’un montant de 40 millions a été voté en début de législature par le Conseil communal, permettant à la Ville d’acquérir, de façon ciblée, des bâtiments ou des terrains répondant à des besoins prépondérants, principalement liés à l’habitat. Enfin, plus généralement, des conventions sont négociées avec les propriétaires portant sur les conditions locatives chaque fois que cela est possible: en cas de changement d’affectation du sol, de levée de servitudes, etc.

Face à l’objectif affiché –proposer aux Lausannois·e·, qui sont des locataires à plus de 80%, des logements accessibles et de qualité – l’embarras de la droite est palpable. Son opposition de fond à une politique d’investissement public et de maîtrise foncière n’a pas changé. Elle a notamment proposé la vente de terrains communaux, une opération politiquement indéfendable, mais aussi absurde économiquement, puisque le foncier constitue l’un des actifs les plus sûrs pour une Ville amenée, par ailleurs, à emprunter pour investir. Mais l’embarras du PLR, probablement pris en tenaille entre les bailleuses·eurs (qui sont aussi ses bailleuses·eurs… de fonds) et l’adhésion de larges parties de son électorat aux positions de gauche dans ce domaine, est palpable. Il se traduit ainsi principalement par des manœuvres dilatoires, reports de vote ou demande d’échelonnement des crédits pour les sociétés immobilières publiques. Il faut se réjouir, sur ce sujet, que l’unité de la gauche lausannoise mette la politique du logement hors de portée de ces attaques.

Avec l’activation de la construction et la stratégie d’acquisitions, la préservation du parc locatif est un troisième pan d’une politique du logement au service des locataires: dans un contexte où le Plan général d’affectation octroie dans de nombreux quartiers d’importantes possibilités d’agrandissement (qui passent souvent par des démolitions-reconstructions), la Ville fait un usage accru des possibilités offertes par le droit cantonal, qui conditionne l’autorisation de construire à la mise à disposition d’un nombre d’appartements à loyer modéré équivalent. La surveillance renforcée des transformations illicites de logements classiques en appartements meublés loués pour de courtes durées à des prix invraisemblables, ou encore la distribution d’une information officielle à tou·te·s les habitant·e·s sur leurs droits de locataires constitue d’autres contributions, dans la mesure des pouvoirs communaux, à la lutte contre la spéculation et ses effets dévastateurs.

Quelque chiffres

Il y a dix ans, avec le projet intitulé 3000 logements durables, la Ville confirmait un changement fondamental d’approche: au lieu de se limiter à construire du logement subventionné sur ses propres terrains, elle allait développer une politique plus large d’accélération et de diversification de la construction publique. Pour les années 2012 à 2016, soit à peu près la législature en cours, ce sont ainsi 2143 logements qui ont ou auront été mis en chantier. Il s’agit là de parcelles publiques, appartenant à des entités parapubliques ou encore à des investisseurs privés qui confient le développement des projets à la Ville. Un quart environ sont des logements subventionnés – avec pour effet que Lausanne contribue pour plus de 40% à l’effort cantonal de construction dans ce domaine, bien que ne comptant qu’un peu moins de 20% de la population.

Benoît Gaillard
Président du PS Lausanne

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