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Ce que la mort de Pinochet nous dit sur le Chili actuel

La mort de Pinochet m’est tombée dessus ce dimanche soir 10 décembre. J’ai refusé de comprendre, étant donné que chaque fois qu’il tombait malade c’était juste pour échapper à la justice. Des mauvais souvenirs affleurent vite dans mon cerveau sensible. Je n’ai rien oublié de ce coup d’Etat du 11 septembre 1973, où la terreur s’installa au Chili pour très longtemps. Les soldats étaient omniprésents et le visage de ce pays allait se transformer définitivement en un vaste camp de répression, torture et persécution politique.

Avec le retour à la démocratie, l’époque paraît propice à ce que le peuple obtienne gain de cause. Le Chili respire. Nombre de dignitaires de l’ancien régime sont sous les verrous dans l’attente de leur comparution devant les tribunaux. Pinochet lui-même est assigné à résidence  pour fraude et détournement de fonds (27 millions de dollars), en plus de ses innombrables atteintes aux droits humains.

Le rôle de l’armée

Avec la disparition  du misérable, du lâche, de la bête sans honneur, une page noire de l’histoire du Chili et de l’Amérique latine est tournée. Or, malheureusement le pinochetisme n’est pas mort et des éléments antidémocratiques subsistent encore au sein des forces armées et de la droite fasciste. A l’occasion du décès de l’ancien dictateur, le commandant en chef actuel, le général Izurieta, s’est permis de justifier le coup d’Etat. L’armée n’aurait jamais dû rendre des hommages à ce criminel qui, selon la bonne logique de l’histoire, aurait dû finir ses jours en prison. Les forces armées ont ainsi agi comme un véritable pouvoir parallèle à celui de l’Etat chilien.

Pinochet nous a laissé un lourd héritage. Entre autres, un modèle économique ultralibéral, importé des Etats-Unis, sous un régime en état de siège où le droit de grève n’existait pas et dont l’objectif affiché était le démantèlement des organes de l’Etat et la privatisation des entreprises publiques. Tout cela a eu un coût social très élevé, en laissant la moitié de la population dans des conditions d’extrême pauvreté. Malheureusement ce modèle économique est toujours en place avec la privatisation de la santé et de l’éducation.

Continuer le combat

Les funérailles du dictateur ont été un triste spectacle pour la démocratie chilienne en déshonorant le pays face aux nations du monde. Le décès de Pinochet n’est pas la fin du combat pour continuer à chercher la vérité sur les disparitions forcées sous son cruel régime. Quelques-uns disent que la mort du dictateur a empêché la réalisation de la justice, c’est une vérité très partielle. En effet, comme le dénonce le  juge de la Cour d’appel à Santiago, Carlos Cerda, il s’agit plutôt d’un déni de justice et d’une complicité évidente avec le corps et l’âme de ces respectables personnages habillés en robe noire. Le dictateur quitte ce monde sans être condamné.

La justice chilienne a été incapable de rendre justice et doit s’expliquer à propos de son énorme dette envers les victimes de la dictature. Il y a eu plus de 400 plaintes déposées contre Pinochet. Il est inadmissible que la liste de l’impunité soit si longue et sans résultats concrets. La loi d’amnistie laissée en place par Pinochet doit être abrogée sans délais car son contenu anti-démocratique est contraire aux droits humains. Le délit de séquestration permanente, si cher à l’ancien juge Juan Guzmán, doit être appliqué sans faille, sans aucun questionnement, ni doute. Pour que le Chili puisse vivre en paix dans un proche avenir il faut condamner les responsables matériels et intellectuels de la répression avec des peines fermes de prison. Nous serons très attentifs et poursuivrons nos efforts pour que la vérité soit connue dans son intégralité. L’omerta des militaires doit éclater au grand jour, car les seuls possesseurs des informations sur les 3000 personnes disparues au temps de la dictature, ce sont eux et personne d’autre. Et si la justice helvétique trouvait des fonds appartenant au clan Pinochet et compagnie, il faudrait que ceux-ci reviennent aux victimes de la répression.

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