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Quel système de financement sera le garant de la démocratie?

La réalité est dure et claire: supprimer les injustices en termes de financement de la vie politique sera un long combat, étant donné les intérêts des partis bourgeois à garder une disproportion des moyens. Quel serait le système idéal?

Aucune importante mesure n’est entrée en vigueur au niveau national en ce qui concerne le financement des partis ou des campagnes politiques. Le débat se situe aujourd’hui sur deux plans: la faisabilité politique et l’idéal normatif. Il s’agit d’avoir en tête la vision d’un système qui serait le plus approprié et le plus juste, tout en proposant un plan d’action pour évoluer dans le bon sens qui ait une certaine chance de succès.

Définir des critères

Le premier pas d’une réflexion en vue de la proposition d’un modèle est l’établissement de critères qu’il devrait idéalement remplir. Voici cinq critères qui semblent se distinguer pour une telle évaluation: le traitement équitable des idées, celui des personnes, l’absence de corruption, la lisibilité politique, l’indépendance des partis.

 

1 Egalité des idées

Un bon système devrait garantir que les citoyens soient exposés à une quantité comparable de publicité ou d’argumentation pour chacune des idées défendues dans le cadre d’une votation ou pour chaque programme dans le cadre des élections. Une surexposition médiatique permet d’imposer des idées ou des thématiques au détriment d’autres. Un bon système de financement de la vie politique devrait donc garantir qu’il n’y ait jamais une disproportion des moyens en faveur d’un camp particulier.

 

2 Egalité des personnes

Chaque personne souhaitant s’engager dans une activité politique devrait pouvoir le faire avec les mêmes moyens qu’une autre. Aujourd’hui, le fait d’être riche ou soutenu par des grandes fortunes facilite beaucoup l’exposition personnelle ou celle des partis. Aussi, les moyens financiers d’une grande organisation devraient être plus conséquents que ceux d’une petite organisation. Il faut toutefois éviter le risque de cristallisation de la société si de trop grands partis s’accaparent le financement.

 

3 Absence de corruption

Si des élus défendent les intérêts de tiers qui les financent au détriment de leurs valeurs, on peut parler de corruption. Bien que beaucoup rient lorsque l’on dit cela – preuve du manque de confiance généralisé envers la politique – les personnes élues sont sensées défendre les points de vues sur la base desquels elles se sont fait élire par la population. Or il est difficile de croire que le financement d’une campagne par des entreprises ou des privés (surtout anonyme) soit dénué d’intérêts personnels.

 

4 Lisibilité politique

Le critère précédent appelle aussi celui-ci: la visibilité des soutiens financiers, la transparence, permet au citoyen d’exercer son droit de vote en ayant conscience des relations de financement présentes dans les campagnes électorales ou de votation.

 

5 Indépendance des partis

Le système de financement de la vie politique ne doit pas créer une dépendance des partis vis-à-vis d’institutions qui pourraient alors dicter leur comportement. Les partis doivent être indépendants par rapport à l’Etat ou à des entreprises.

 

Vers un modèle plus juste

Un modèle qui satisferait le mieux possible ces critères serait un système mélangeant transparence, plafonnement et soutien public. La transparence des comptes pour les dépenses de campagne et le plafonnement de ces dépenses garantiraient d’éviter les excès, mais ne permettent pas en soi de garantir que les formations sont traitées également. En effet, certains partis n’auraient pas les moyens d’atteindre le plafond alors que d’autres y parviendraient très facilement. Le financement public permet donc de mettre tout le monde sur pied d’égalité, et s’il est couplé au plafonnement, il ne causera pas un accroissement de la propagande. Il reste toutefois la question du critère d’attribution des moyens par l’Etat ; elle est centrale.

L’attribution directe en fonction des membres des partis poserait le problème du contrôle par l’Etat de l’appartenance aux partis. Par contre, il pourrait être possible de demander à chaque citoyen, un peu sur le même modèle que l’impôt ecclésiastique dans certains cantons, lorsqu’il remplit sa déclaration d’impôts, s’il souhaite apporter son soutien à un parti. Un montant fixe pourrait ainsi être reversé aux partis selon une clé d’allocation déterminée par les voix des personnes ayant souhaité soutenir un parti lorsqu’ils ont rempli leur déclaration. Un système de cotisation plafonné suffisamment bas pourrait toutefois être maintenu, pour permettre aux membres des partis de leur donner un soutien plus accru, mais si la limite est placée trop haut, des inégalités apparaîtront à nouveau.

La force d’une telle proposition est le couplage d’un plafonnement des dépenses par campagne avec un système permettant un financement régulier des partis. Cela garantit l’égalité des idées grâce au plafonnement par campagne. Le système garantit l’égalité des personnes, puisque chacun peut attribuer un soutien au mouvement politique de son choix ayant la même valeur. Il évite la cristallisation des formations, car la clé d’attribution du financement est régulièrement renouvelée et non uniquement après les élections. L’absence de corruption est garantie par l’absence de financement privé exagéré et la transparence des comptes, qui assure également au citoyen le fait de savoir qui soutient quelle cause et en tirer les conclusions qu’il voudra en termes d’intérêts. Enfin, les partis deviennent indépendants des riches contributeurs ou des entreprises, ainsi que de l’Etat puisque ce dernier n’a aucune décision à prendre dans le processus et n’obtient jamais la liste des membres des partis.

Probablement que la réalité politique rendra difficile l’adoption d’un tel système par un parlement fortement de droite. Une initiative populaire avançant dans ce sens, en proposant par exemple transparence et plafonnement au début pourrait en revanche ouvrir le débat public sur la question. A plus long terme, peut-être qu’un modèle raisonnable de financement public pourra entrer en vigueur, s’il est élaboré suffisamment intelligemment pour en éviter les problèmes usuels. L’avantage de l’initiative populaire est que le soutien de l’opinion publique semble pour le moment présent, mais le risque est justement celui que l’on veut combattre avec la proposition: les moyens financiers mis en avant pour empêcher son succès seront considérables…

 

 

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