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Privatisations : Panne sèche à Zurich

Notre précédent dossier était consacré aux particularités des villes de gauche (Pages de gauche n° 170). Nous faisions le constat que la droite avait perdu durablement la bataille des villes et déplaçait le combat à d’autres endroits. Une des stratégies de la droite consiste à attaquer les politiques innovantes et de service public mises en place au moyen de projets politiques supra-urbains.  

Pour rester sur la thématique des villes et des services publics, deux exemples illustrent ces tentatives. La question de l’eau, avec notamment un vote le 10 février dernier dans le canton de Zurich. Dans ce cas les partis bourgeois, majoritaires au Grand Conseil, avaient voté la privatisation partielle de la fourniture d’eau. Enfin au niveau fédéral avec le débat sur la libéralisation du marché de l’électricité. Malgré un fameux rejet populaire de la loi sur le marché de l’électricité (LME) en 2002, le Conseil fédéral prépare actuellement une révision de la loi sur l’approvisionnement en électricité (LapEl, 2007) qui vise à libéraliser entièrement le secteur.

L’exemple de Zoug

Alors qu’au niveau européen, notamment en France ou en Angleterre, la tendance est plutôt de revenir en arrière sur les privatisations, il est surprenant que ce débat resurgisse à Zurich. Historiquement en Suisse au XIXe siècle, les réseaux de distribution étaient majoritairement privés. Toutefois, pour des questions d’hygiène (choléra et typhus) et de justice sociale (les quartiers riches étaient mieux approvisionnés), à la fin de ce même siècle, les réseaux furent municipalisés ou cantonalisés assez vite. Dans les zones rurales plusieurs coopératives subsistent et s’occupent toujours de la distribution d’eau. Toutefois à Zoug, il existe depuis 1878 une holding (WWZ AG) en charge de l’approvisionnement en eau potable du canton. Cette entreprise également active dans la fourniture de gaz et d’électricité réalise environ 250 millions de chiffre d’affaires par année. En ce qui concerne l’eau, et conformément à la Constitution fédérale, aucun bénéfice n’est autorisé mais les coûts doivent être couverts. Si l’exemple zougois, pour des raisons historiques propres, ne fait pas de vague, c’est pourtant bien sur ce modèle que s’appuyait le projet zurichois. Avec en point de mire l’ouverture à l’investissement privé dans les infrastructures et à terme une dé-municipalisation des services publics dans les domaines de l’énergie. Suite au référendum de la gauche et fort heureusement, les Zurichois·e·s ont largement refusé cette loi à plus de 54 %. La ville de Zurich refusant même la loi à 61,1 %.

À contre-courant

Malgré ces échecs et ne craignant pas l’eau froide, la droite poursuit son agenda idéologique en matière de libéralisation. Ainsi le Conseil fédéral a mis en consultation l’extension de la LApEl. Parmi toutes les propositions figure l’ouverture totale du marché de l’électricité, ce qui va à l’encontre des entreprises productrices de proximité qui sont à 90 % en mains des collectivités publiques. Outre une garantie d’approvisionnement, le fait que ces entités soient en mains publiques permet aussi de peser politiquement sur le type d’investissement (énergies renouvelables, etc.). Ainsi cette volonté de libéraliser constitue une attaque frontale contre les services industriels municipaux ainsi qu’une attaque en règle contre la planification énergétique et environnementale. En effet, toutes les études montrent que si le critère principal de compétitivité est le coût de production, les énergies renouvelables sont défavorisées par rapport aux énergies fossiles. Les coûts environnementaux de production d’énergie non renouvelables à bas prix ne sont pas internalisés, pour autant que cela ait un sens, ce qui disqualifie la production d’autres types d’énergies, moins centralisées et plus renouvelables. Ainsi dans ce modèle, il n’y a pas de place pour une éventuelle transition énergétique. Le champ de bataille est vaste et les villes n’en représentent qu’une petite partie. Toutefois, ce sont des lieux d’expériences locales et vécues porteuses de solutions qu’il s’agit d’utiliser de manière stratégique.

Mathieu Gasparini

webmaster@pagesdegauche.ch

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