Un·e militant·e antifasciste •
Aux alentours de la fin novembre est apparue à Sion une banderole quelque peu étrange. On pouvait y lire un texte clamant que l’islamisme tue et que la gauche en était responsable. Cette action était signée des initiales «MS». Aucun mouvement politique ou apolitique valaisan n’était alors connu sous ce sigle. Immédiatement après l’apparition de cette banderole, la jeunesse du parti socialiste local a rapidement condamné ces propos et mis en garde contre le risque de voir se former un nouveau mouvement d’extrême droite. Les réactions ont été peu vives dans la population, mollassonnes chez les politiques et inexistantes dans la police. Un député socialiste valaisan avait posé un postulat demandant que des mesures politiques et policières soient prises à l’encontre de ces mouvements. La droite a fait bloc contre ce texte empêchant ainsi une réponse étatique.
Les milieux antifascistes valaisans se sont immédiatement mobilisés autour de la question que ce soit de manière visible ou en sous-marin. Une surveillance a été mise en place afin d’évaluer la situation. Il n’était pas impossible que cette action reste un évènement sporadique perpétré par quelques individus isolés et sans structure et ne mérite en conséquence pas plus d’attention que cela. Malheureusement, MS s’est avéré être un groupuscule actif. Après ce premier incident, une page Instagram s’est ouverte au nom de «Militants suisses». Jusqu’à ce stade, les motivations de ce groupe restaient floues. Ce groupe n’avait que peu explicité ses convictions et son positionnement politique même s’il semblait déjà évident qu’ils étaient dans le camp de l’extrême droite.
Quelque temps après, MS a lancé une nouvelle action, à plus grande échelle. Le groupuscule a commencé à vendre des autocollants afin de financer ses actions. Ces autocollants ont été placardés dans plusieurs villes du canton du Valais et étaient ornés de slogans racistes, xénophobes ou islamophobes. MS a également commencé à être présent dans certaines manifestations. Nous pouvons relever leur présence lors de la manifestation anti-restrictions sanitaires liées au Covid-19 du 27 mars 2021 à Sion. De nombreux autocollants ont été retrouvés ce jour-là sur le trajet du cortège. Plusieurs élu·e·s et membres importants de l’UDC étaient également présent·e·s dans le cortège dont notamment Cyrille Fauchère (président de l’UDC du Valais romand, député valaisan et membre de l’exécutif de la Ville de Sion) et Jean-Luc Addor (conseiller national UDC/VS). Rien ne permet néanmoins de relier directement ces deux politiciens à MS. Les autocollants ont cette fois-ci provoqué l’indignation de la société civile valaisanne. Quelques articles ont relayé les inquiétudes de certain·ne·s politiques, mais sans conséquences politiques ou judiciaires.
À la suite de ces évènements, le mouvement MS a publié un communiqué laconique dans lequel il précise son positionnement, explicite le contenu de ses autocollants et affirme se distancer de toute pensée néofasciste ou néonazie. Il ne faut néanmoins pas s’y tromper, les actes du groupuscule parlent pour lui. Ce groupe milite pour une société xénophobe et pour une suprématie blanche, chrétienne et patriarcale. En conséquence de quoi, ce communiqué est à comprendre comme une réaction de peur d’un groupe qui se retrouve exposé et mis en difficulté. Il faut comprendre que peu de groupes d’extrême droite valaisans se retrouvent dénoncés publiquement par des journaux. Leur compte Instagram est passé de public à privé pratiquement au même moment.
Les membres de MS se sont illustré·e·s dans d’autres actions depuis. Le 20 février 2021, elles et ils étaient présent·e·s devant le consulat de France à Genève afin de protester contre la dissolution par le gouvernement Castex du groupe néofasciste français Génération identitaire. Le 20 mars 2021, MS s’est également fait remarquer à la manifestation contre les mesures anti-Covid-19 de Liestal. Au moins quatre de ses membres y ont pris part, à savoir : Ludovic Escher, Nathan Beytrison, Simon Andenmatten et Sidney Théodoloz. Nathan Beytrison est d’ailleurs accusé d’avoir agressé un journaliste ce jour-là et d’avoir proféré des menaces de mort à son encontre. Le groupe MS ne s’est pas contenté de rester en Valais. Ce groupe a établi des liens avec d’autres mouvements d’extrême droite suisses alémaniques, notamment Junge Tat. Nous pouvons en effet retrouver sur les réseaux sociaux de Junge Tat plusieurs photos et vidéos d’une action où l’on peut reconnaître certain·e·s membres du groupe MS. Malheureusement, MS n’est pas le seul groupe d’extrême droite à être actif en Valais. Il y a quelque temps, la faction néonazie Radikal Sion/Swastiklan Wallis a également fait parler d’elle. Elle semble néanmoins être devenue plus discrète depuis la publication d’un article du Nouvelliste dévoilant le nom de certains de ses membres (tous des hommes).
UDC valaisanne et extrême droite ; une AOC solide
Les liens entre l’extrême droite et l’UDC ne sont plus à prouver. Ce parti est, et a toujours été, un refuge pour les idées néonazies et néofascistes suisses et continue de l’être de par sa politique interne et externe qui encourage ce genre de comportement. Premièrement, elle accepte en son sein des militant·e·s ouvertement néonazis. Pire que cela, l’UDC offre des espaces de parole à ces idées. Simon Andermatten, membre des jeunes, UDC est un contributeur permanent de L’idée, le journal de la jeunesse UDC valaisanne. Il est également le fondateur du groupe Militants suisses. De plus, une partie non négligeable des membres de MS sont directement issus des rangs des jeunes UDC Valais.
La plus grande force de MS est son anonymat. Il est de ce fait important de citer ses membres connu·e·s afin de pouvoir les affubler du sceau infamant de l’appellation de néonazis et de tendre un cordon sanitaire tout autour d’elles et eux. Parmi les autres membres de l’UDC actives·ifs au sein du groupement néofasciste valaisan, nous pouvons citer Marion Verger, élue UDC au Conseil général de Sion. Cette dernière a ouvertement défendu sur les réseaux sociaux le groupe néonazi précédemment énoncé du Swastiklan. Elle a été également observée en train commander sur le groupe de messagerie de MS les autocollants racistes précédemment cités et ainsi financer le groupuscule.
Léa Baeriswill est également active au sein de ce mouvement. Cette militante UDC était présente à l’une des actions communes des Junge Tat et de MS. Elle apparaît dans l’une de leurs vidéos de propagande publiées le 24 avril 2021. Il est également possible de la voir sur certaines photos présentes sur les réseaux sociaux de Junge Tat.
Nous pouvons également faire mention de Léo Rouvinet militant UDC et également rédacteur permanent à L’idée, qui apparaît torse nu sur une photo avec le tatouage néonazi «1488». Bien que ses liens avec MS restent flous, il ne cache pas ses liens avec le groupuscule néonazi Radikal Sion/Swastiklan Wallis. Il est possible de trouver de nombreuses photos de lui faisant le salut hitlérien ou arborant des t-shirts néonazis. De plus, il a publiquement défendu la chanteuse EDELWEISS membre du réseau de promotion de musique néonazi Blood and Honor.
Deuxièmement, l’UDC brille également par son absence de réaction. Jamais l’UDC suisse ni sa section valaisanne n’ont condamné la présence en leur sein de néonazi ni pris des mesures afin d’endiguer ce problème. Léonard Martin, président des Jeunes UDC Valais suivait la page Instagram de MS. Bien qu’il ne semble pas être un membre de MS, il était parfaitement au courant de l’existence du groupe. Si les instances dirigeantes de l’UDC sont au courant de l’existence de Militants suisses, elles se refusent à les condamner. Franck Genoud, qui était candidat UDC au Grand Conseil valaisan suivait également la page de MS.
Conclusion
Il est probable que d‘autres membres de la Jeunesse UDC valaisanne fassent partie de MS, ces dernier·ère·s n’ont tous simplement pas encore été démasqué·e·s. La surveillance n’est donc pas terminée et ne le sera certainement jamais. Comme dit précédemment dans l’article, il est important de briser le silence qui entoure ces groupuscules. Si nous dénonçons sur la place publique ces personnes, peut être que ces dernières feront face à des conséquences personnelles ou économiques. C’est un fait et nous ne devons pas nous réjouir du malheur que nos actions engendreront, mais nous devons en être conscient·e·s. Néanmoins, c’est par ce genre de conséquence que les potentiel·le·s futur·e·s membres réfléchiront à deux fois avant de s’engager dans ces mouvements.
Mais la fin du silence n’est pas suffisante. L’action envers ce genre de mouvement doit être multiple et coordonnée. Elle doit être civile, par la dénonciation au travers de médias, par le refus de leur louer des locaux pour leurs réunions ou par l’organisation de contre-manifestations. Elle doit être politique par des condamnations fermes, des refus d’alliance et par mise en place d’un cordon sanitaire autour de l’UDC et de ces individus. Elle doit également être étatique, ces groupuscules doivent être mis sous surveillance, démantelés et condamnés comme en France ou en Allemagne. Pour ce faire, la gauche doit montrer un front uni et solidaire contre ces mouvements. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous laisser miner par des dissensions internes.
Nous ne viendrons jamais à bout de ces mouvements, car nous ne pourrons certainement jamais tuer les idées nauséabondes que ces personnes véhiculent. Néanmoins, nous pouvons faire en sorte que ces mouvements ne puissent jamais se développer. L’histoire nous démontre actuellement que si nous ne sommes pas vigilant·e·s, les idéologies qui ont fait sombrer le XXe siècle dans la pire noirceur peuvent resurgir. En tant que militant·e·s de gauche et en tant que citoyen·ne.s conscient·e·s de l’histoire, nous avons le devoir moral de les combattre.
No Pasaran !