Cora Antonioli •
L’indexation des salaires à l’État de Vaud et dans les secteurs parapublics (secteurs social et sanitaire subventionnés par l’État) fait l’objet d’une mobilisation forte et exemplaire de la part des salarié·e·s concerné·e·s depuis plusieurs mois. Mais pourquoi?
Le Conseil d’État a communiqué — sans consultation des syndicats — le 8 décembre dernier qu’il indexerait les salaires de 1,4%. À cela, il ajoute une prime unique «vie chère» de 0,8% aux classes 1 à 10 de l’État (le parapublic ne la reçoit pas). Les mesures salariales s’arrêtent là. Vaud s’installe ainsi en queue de peloton des collectivités publiques en Suisse, en dernière position (si l’on exclut Berne) des cantons romands en matière d’indexation. Dans les secteurs privés aussi, beaucoup ont obtenu plus de 1,4%, citons le secteur de l’horlogerie ainsi que les entreprises Lidl, Denner ou encore Novartis.
L’IPC est trompeur
Dans le canton de Vaud, l’indexation des salaires doit se faire sur la base de l’indice des prix à la consommation (IPC) d’octobre (écart entre octobre de l’année concernée et octobre de l’année précédente); en 2022, il était de 3%. Précision que l’IPC ne tient pas compte notamment de la hausse des primes de l’assurance maladie. L’Union syndicale suisse a ainsi estimé la hausse des coûts de la vie à 5%.
S’ajoute à cela un décret en lien avec la recapitalisation de la caisse de pensions — datant de 2013! — qui prévoit de ne pas indexer les salaires tant que l’IPC d’octobre ne dépasse pas 110,18 pts (valeur 05.2000). Une fois que cette valeur est dépassée l’indexation s’établit sur l’IPC d’octobre déduction faite de ces 110,18 pts (rapportée en pourcents, la déduction est de 0,8%). Ce qui explique que le Conseil d’État considère que la «pleine indexation» est de 2,2% et non les 3% de l’IPC.
Un profond mépris
1,4 % donc malgré une fortune accumulée de plus de 5,3 milliards et des excédents budgétaires — parfois vertigineux — depuis 17 ans. On n’en attend pas moins cette année… Les problèmes de la politique menée dans ce canton quant à la gestion et surtout aux (non—)investissements dans les services publics ne date pas de cette année. Cela n’en est pas moins révoltant et inacceptable.
Le Conseil d’État a beau re-re-déclarer partout jusqu’à la nausée qu’il a souhaité, par cette décision, mener une politique «globale et équilibrée», ceci reste, au mieux, un élément de langage vide de sens et une manière de tenter de se défiler de sa responsabilité dans la dévalorisation du travail effectué par les salarié·e·s des services publics et parapublics, au pire, la traduction d’un mépris profond à l’égard de ces derniers·ères.
Une baisse des conditions de vie
En effet, même en essayant de comprendre, nous devons constater que tout ceci n’a rien de «global», au contraire on tente de diviser la population — employé·e·s de l’État présenté·e·s comme privilégié·e·s qui osent demander en plus une pleine indexation contre le reste de la population, qui elle, souffre. Pourtant, rien ne montre que la politique menée par le Conseil d’État se préoccupe effectivement de la population la plus précarisée — dont font partie aussi des salarié·e·s des services publics et parapublics: l’augmentation des régimes sociaux de 2,5%, alors que l’IPC est à 3%? Ceci signifie de fait une baisse des conditions de vie des personnes concernées! L’indexation — insuffisante — des salaires des apprenti·e·s? C’est une mesure qui a été décidée tardivement (elle a même sans doute été oubliée, tant elle faisait partie des priorités du Conseil d’État…) et qui n’aurait pas eu lieu sans la mobilisation de la fonction publique et du secteur parapublic. Les baisses d’impôts qui profiteront clairement plus aux personnes qui n’en ont pas besoin et qui, par la même occasion, diminueront l’argent à investir dans les services publics? Tout ceci n’est que foutaise!
Se mobiliser
Le Conseil d’État a bel et bien choisi de baisser le salaire réel de toutes celles et de tous ceux qui travaillent quotidiennement au service de la population. En maltraitant ainsi ses employé·e·s, ce sont les services publics dans leur ensemble que le Conseil d’État attaque et met à mal. À l’heure où cet article est rédigé, le Conseil d’État, forcé par la puissante mobilisation, a entrouvert une porte. Rien de tangible derrière cette porte, pour l’instant. Les syndicats exigent du concret et du chiffré pour la séance de négociations du 22 mars. La balle est dans le camp du Conseil d’État. Et pour l’instant, tant qu’on n’a rien, une seule réponse est possible: la grève, la mobilisation et la solidarité!