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Biélorussie: le président Loukachenko étrangle les syndicats

Bertrand Cottet (Amnesty International) •


En plein cœur du mouvement révolutionnaire en Bélarus, nous republions cet article datant de 2004. Il rappelle que la résistance contre le régime autoritaire de Loukachenko ne date pas d’hier et que les méthodes employées par ce dernier n’ont hélas pas changé.


Le bras de fer entre syndicats et autorités s’intensifie en Biélorussie. Malgré la réprobation internationale, le gouvernement musèle les mouvements ouvriers. À l’occasion du 1er mai, Amnesty International lance une action pour soutenir les syndicalistes biélorusses.

Le 18 septembre 2003, un tribunal du district de Minsk condamnait Alyaksandr Yaroshuk, président du Congrès biélorusse des syndicats indépendants, à dix jours de prison. Motifs: dans les colonnes du journal indépendant Narodnaya Volya, il avait remis en cause l’impartialité de la Cour suprême dans sa décision de fermer le syndicat des contrôleurs aériens. Une décision «connue d’avance», avait écrit Yaroshuk. En Biélorussie, de tels cas se comptent par dizaines. À tel point que, dans un rapport du 28 mars 2004, l’Organisation internationale du travail (OIT) accusait le gouvernement de «violer les principes les plus élémentaires de la liberté d’association», l’exhortant à cesser d’interférer «de façon régulière et systématique» dans les affaires internes des syndicats.

Mais le président Loukachenko ne se laisse pas perturber: il avoue sans état d’âme avoir orchestré le changement de leadership à la tête de la Fédération biélorusse des syndicats libres en 2002, qui a aussitôt limogé les dirigeants de Belaruski Chas, l’hebdomadaire du syndicat. Pour préserver sa liberté, la presse syndicale en est réduite à chercher des éditeurs dans les pays frontaliers, comme le journal Salidarnasts, aujourd’hui publié en Fédération de Russie.

La mort du droit de manifester

La situation n’est guère plus réjouissante dans les autres domaines de la vie syndicale. Formellement «autorisées», les manifestations doivent se tenir en dehors des villes et sont l’objet de taxes exorbitantes et de procédures infinies, ce qui revient pratiquement à les interdire. Les syndicats, comme les autres ONG, doivent s’enregistrer auprès du gouvernement, ce qui implique l’acceptation de directives draconiennes.

Mainmise du gouvernement

L’origine des tensions entre syndicats et gouvernement remonte à l’élection du président Loukachenko en 1994, qui a aussitôt imposé un poste de sous-directeur à l’information dans toutes les entreprises. L’État, employeur principal et interlocuteur des syndicats lors des négociations, dispose ainsi d’un énorme instrument de propagande. Il contrôle tous les mouvements ouvriers contraires aux intérêts des autorités en menaçant les employé·e·s de licenciement s’ils et elles ne quittent pas leur syndicat. Des militant·e·s ont été arrêtés simplement pour avoir distribué des tracts. Dans un pays où plusieurs opposant·e·s politiques ont déjà «disparu», les menaces que reçoivent les leaders doivent être prises très au sérieux.

Publié dans Pages de gauche n° 23 (mai 2004). À lire également: «Bélarus: les trois coups de la révolution» (par Vincent Présumey).

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