À quand l’adhésion suisse à l’UE ?

La rédaction •

Avec le brutal enterrement par la Suisse des négociations relatives à la signature d’un accord-cadre avec l’Union européenne, le Parti socialiste suisse a décidé de repartir à l’offensive en déposant une motion voulant forcer le Conseil fédéral à entamer des négociations d’adhésion l’UE. Saluant la position du PS et désirant apporter sa pierre au nécessaire débat démocratique sur la question, Pages de gauche republie la conclusion de son numéro (172, été 2019) consacré à la question européenne.


La gauche suisse est historiquement proeuropéenne, mais ne milite plus activement pour une adhésion rapide à l’UE. Deux facteurs au moins expliquent ce revirement. D’un côté l’absence d’une majorité autour de l’adhésion, de l’autre une certaine déception, voire méfiance, à l’égard des politiques européennes, notamment en ce qui concerne la protection des salaires et la défense des services publics.

Passons sur l’absence de majorité. Certes, l’UDC a remporté des victoires, seule contre tous les autres partis, en matière de politique européenne. Personne ne propose de relancer immédiatement le processus d’adhésion. Une majorité se construit cependant sur la durée, et la gauche peut y contribuer si elle décide que l’adhésion doit rester un but à plus ou moins long terme.

Il y a de bonnes raisons de maintenir le cap de l’adhésion à l’UE. Sur le plan de la souveraineté et de la défense de la démocratie directe, on constate que la Suisse est de plus en plus dépendante des politiques européennes, en particulier par le mécanisme de Schengen/Dublin. La récente votation sur la loi sur les armes montre que la reprise de l’acquis communautaire peut se faire dans le respect des processus constitutionnels suisse, avec exercice du droit de référendum.

Sur le plan de la politique menée par l’UE, il y a beaucoup de raisons de se montrer pour le moins réservé·e·s. La législation et la jurisprudence européennes font souvent primer la libre circulation des services et des capitaux sur la protection des travailleuses·eurs, l’UE promeut la libéralisation du secteur électrique et du rail, par exemple. Toutefois, les politiques peuvent changer. Surtout, rester formellement en dehors de l’UE ne garantit pas une meilleure protection des salaires ou le maintien des services publics. La droite suisse n’hésite pas à utiliser la négociation avec l’UE pour avancer dans ses projets (on pense à l’accord sur le secteur électrique). Surtout, la politique de l’UE instaure des mécanismes de solidarité (par exemple la politique régionale) souvent plus généreux que ce que fait la Suisse. Enfin, toutes les tentatives de promouvoir des organisations parallèles à l’UE, comme l’AELE, sont portées par des pays qui refusent les mécanismes de solidarité de l’UE. Pour faire bref, l’alliance de la Suisse avec le Royaume-Uni constitue un front des oppositions de droite à l’UE.

Enfin, la question qui se pose est celle du niveau d’action pour la gauche. Des majorités sont possibles dans certains cantons. Mais cela ne peut pas constituer un horizon politique indépassable. De même que l’on ne demande pas la sortie du Canton de Vaud de la Confédération parce que la fiscalité suisse est trop libérale à notre goût, le désaccord avec certaines politiques européennes ne doit pas conduire à orienter l’action de la gauche exclusivement sur le champ cantonal, voire fédéral. Notre horizon politique est international et l’Union européenne, avec tous ses défauts, est la structure de notre continent qui organise le plus de solidarité à cette échelle. Nous pensons donc que l’adhésion de la Suisse à l’UE doit rester un objectif stratégique de la gauche dans ce pays, tout comme le développement d’alliances avec les forces de gauche européennes.


Crédit image : Thijs ter Haar par « European Union Flags 2 » sous licence CC BY-ND 2.0.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 172 (été 2019).

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