Une ode à la misandrie

Léo Tinguely •

Publié par le micro-éditeur Monstrograph (dans une très belle collection), Moi les hommes je les déteste, le premier ouvrage de Pauline Harmange a connu un succès fulgurant cet été. Si bien que Le Seuil en a dernièrement racheté les droits.


Au travers de ses expériences et réflexions personnelles, l’autrice nous explique comment elle, femme hétéro cis militante, est devenue et vit en tant que misandre. La misandrie est donc au centre de ce court essai. Si, étymologiquement, le mot se construit comme l’opposé de la misogynie (le mépris des femmes), il n’en est en aucun cas comparable. Car la misandrie n’existe qu’en réaction à la misogynie, elle en est la réponse. À l’inverse de celle-ci, la misandrie ne fait pas système, elle ne tue pas, elle ne stigmatise pas, pas plus qu’elle n’agresse ni ne harcèle. Elle est une forme de lutte féministe, une forme d’émancipation, tout autant légitime que les autres.

C’est ainsi que l’autrice définit le concept comme «un sentiment négatif à l’égard de la gent masculine dans son ensemble. Le sentiment négatif en question peut être représenté sous la forme d’un spectre allant de la simple méfiance à l’hostilité, qui se manifeste la plupart du temps par une impatience envers les hommes et un rejet de leur présence dans les cercles féminins».

L’essai se situe évidemment dans la lignée d’autres ouvrages sur la thématique comme dans le SCUM manifesto de Valerie Solanas ou plus récemment Le génie lesbien d’Alice Coffin. En comparaison, le texte s’avère un peu moins politiques et peut-être aussi moins offensif. Si sur la forme, le livre s’attaque frontalement aux hommes, le fond s’avère lui plus édulcoré, s’éloignant du discours féministe radical.

Ainsi, Pauline Harmange n’invite pas à ne plus relationner avec les hommes mais juste à déconstruire les injonctions à le faire, à ne plus se forcer à le faire. Le propos tombe d’ailleurs plusieurs fois dans le «not all men» qu’il cherche pourtant à éviter.

J’ai bien conscience que ce livre, qui constitue une forme de guide de sororité, ne s’adresse pas à moi, mais à sa lecture, en tant qu’homme qui cherche à se déconstruire et se désire allié, je n’ai pas été mal à l’aise. Au contraire, je me suis senti brossé dans le sens du poil, ce qui ne me semble pas nécessairement être une bonne chose…

À lire : Pauline Harmange, Moi les hommes, je les déteste, Paris, Le Seuil, 2020.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 178 (hiver 2020-2021).

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