Solidarité avec les journalistes arrêté·e·s en Turquie. Appel à leur libération immédiate

La rédaction •

Dans le dossier de son numéro 179 consacré à la répression et aux résistances en Turquie, Pages de gauche s’était grandement inquiété de l’autoritarisme croissant que connaît le pays. Dès que le périodique a pris connaissance de l’arrestation de 21 journalistes à Diyarbakir, il a tenu à marquer sa solidarité en partageant cette appel à leur libération immédiate.


La liberté d’expression est plus que jamais menacée en Turquie. Les universitaires, les journalistes et les auteurs critiques font systématiquement l’objet d’arrestations, d’enquêtes pénales, de poursuites, de manœuvres d’intimidation et de harcèlement et de censure. Cette stratégie, à laquelle vient s’ajouter l’arrestation récente de 21 journalistes à Diyarbakir, envoie un message clair et inquiétant avec de graves conséquences pour la liberté de la presse. L’ampleur des arrestations et de la répression des médias par le gouvernement turc fait de la Turquie «la plus grande prison pour les journalistes», selon de nombreuses institutions et organisations internationales.

Le 8 juin 2022, la police a fait une descente aux domiciles de nombreux journalistes kurdes à Diyarbakir. Lors des raids, Serdar Altan, coprésident de la Dicle Fırat Journalists Association (DFG), Safiye Alagaş, directrice de JINNEWS, Gülşen Koçuk, rédacteur en chef de JINNEWS, Aziz Oruç, rédacteur en chef de Mesopotamia Agency (MA), le rédacteur en chef du journal Xwebûn Mehmet Ali Ertaş et les journalistes Ömer Çelik, Suat Doğuhan, Ramazan Geciken, Esmer Tunç, Neşe Toprak, Zeynel Abidin Bulut, Mazlum Doğan Güler, Mehmet Şahin, Elif Üngür, İbrahim Koyuncu, Remziye Temel, Mehmet Yalçın, Abdurrahman Öncü, Feynaz Koçuk, Lezgin Akdeniz et Kadir Bayram ont été arrêtés.

Six bureaux des journalistes ont été perquisitionnés et leurs équipements techniques ont été confisqués. En raison d’une ordonnance de confidentialité imposée par le procureur sur le dossier, on ignore jusqu’à présent de quoi les journalistes sont accusé·e·s.

Dans un environnement où les libertés et droits fondamentaux sont bafoués, le gouvernement et ses partisans continuent de cibler les journalistes et d’inciter les agressions physiques avec une politique d’impunité. Le maintien en détention des journalistes avec des accusations arbitraires et pendant de longues périodes est une atteinte à la démocratie.

La Turquie demeure un pays extrêmement répressif pour la presse. Les autorités et les tribunaux turcs assimilent systématiquement le journalisme critique à une activité terroriste criminelle. Cette situation a également suscité de nombreuses critiques de la part des organisations internationales telles que l’ONU, le Conseil de l’Europe et l’UE, RSF et Amnesty International.[1] La Turquie se retrouve à la 149e place sur 180 dans le dernier Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF et,[2] fin mai, 60 journalistes étaient en prison en Turquie.[3]

De plus, le gouvernement essaie de créer une nouvelle couverture juridique pour faire renforcer la répression et la censure visant les médias. Le nouveau projet de loi sur «la désinformation et la fausse information» prévoit une peine de prison jusqu’à trois ans pour «celui/celle qui a l’intention de mettre en danger la sécurité ou l’ordre public du pays». Un tel projet de loi, dans lequel la définition de «désinformation» et d’«intention» est très vague, expose les journalistes et des millions d’internautes en Turquie au risque de poursuites pénales pour avoir partagé des informations que le gouvernement n’approuve pas. Cette loi peut devenir un autre outil pour harceler les journalistes et les groupes d’opposition et généraliser l’autocensure.

Dans ce contexte, nous, les soussigné·e·s, exigeons la fin de la persécution des journalistes en Turquie, la libération immédiate des journalistes actuellement détenu·e·s, l’abrogation de la législation antiterroriste du pays, la mise en place de garanties efficaces en faveur de la liberté d’expression et de l’indépendance du pouvoir judiciaire, la fin de la violation systématique des normes démocratiques et l’établissement de la liberté de la presse et de l’État de droit. Nous invitons la Turquie à agir conformément aux conventions internationales qu’elle a signées.

Solidarité avec les journalistes arrêté·e·s!

Crédits image: Ashni sur Unsplash.

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[1] Commission de Venise du Conseil de l’Europe: https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)007-f , Nations Unies: https://www.ohchr.org/en/countries/turkiye (Consulté le 09.06.2022)

[2] Reporters Sans Frontières: https://rsf.org/fr/pays/turquie (Cons. 09.06.2022)

[3] Le rapport de DFG: https://diclefiratgazeteciler.org, et les rapports et des communiqués de presse d’IPI: https://freeturkeyjournalists.ipi.media (Cons. 09.06.2022)

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