La rédaction •
Juste après l’élection de Donald Trump en 2016, nous publiions un éditorial qui marquait notre inquiétude face au fascisme incarné par celui qui n’était pas encore président des États-Unis, et notre espoir que les institutions politiques américaines puissent lui résister. Quatre ans plus tard, le constat s’est considérablement assombri, d’une part parce que lesdites institutions ont plié ou cédé à de nombreuses reprises, et d’autre part parce que l’élément qui manquait encore au fascisme trumpien en 2016, « des groupes armés prêts à attaquer aussi bien les groupes stigmatisés que les opposant·e·s politiques » comme nous l’écrivions, est désormais une réalité dans les rues des villes américaines. Les perspectives pour les États-Unis sont donc aujourd’hui extraordinairement inquiétantes.
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis est un événement inédit dans leur histoire. D’autres présidents fantasques ont occupé la Maison Blanche (d’Andrew Jackson à Ronald Reagan, en passant par Theodore Roosevelt), mais ils avaient tous une expérience politique préalable. À l’inverse, des personnalités autoritaires comme Recep Tayyip Erdogan ou Victor Orban, ou des affairistes comme Silvio Berlusconi, Christoph Blocher ou Nicolas Sarkozy n’ont pas dirigé la première économie et la première armée du monde.
Du fascisme, Trump présente deux caractéristiques: un discours ciblant des catégories raciales pour les accuser de tous les maux (les Mexicain·ne·s, les Chinois·es, les Afro-américain·e·s, etc.) d’une part, et un électorat redoutant de perdre les quelques privilèges qui lui restent d’autre part. Il lui en manque pourtant une, décisive : il ne s’est pas appuyé pour l’instant sur des groupes armés prêts à attaquer aussi bien les groupes stigmatisés que les opposant·e·s politiques.
En outre, si l’histoire nord-américaine n’a pas été épargnée par une violence fasciste (que l’on songe au Ku-Klux Klan ou au génocide des Amérindien·ne·s), celle-ci n’y a pas la même tradition qu’en Europe.
Enfin, on se rappellera que le premier souci des «Pères fondateurs» de la Constitution américaine était de prémunir la jeune république contre la tyrannie. L’élection de Donald Trump est ainsi un test pour les institutions qu’ils ont imaginées. Les prochaines élections législatives, lors desquelles l’intégralité de la Chambre des Représentants pourra être renouvelée, ainsi qu’un tiers des membres du Sénat, auront lieu dans deux ans déjà, par exemple.
Publié comme éditorial du n° 161 (décembre 2016). Accéder à la version originale : Pages de gauche n° 161