Que défaire?

Bertil Munk •


Pas besoin de chercher bien loin pour retrouver la source d’inspiration du titre. Mais contrairement à Lénine, Nicolas Bonnani ne se consacre pas à l’élaboration d’un programme révolutionnaire. Au contraire, il cherche à dénoncer des limites politiques fondamentales d’un marxisme orthodoxe ou d’un léninisme infantilisant. Pour avoir une critique complète du capitalisme et pour pouvoir dessiner un projet de dépassement concluant, la simple critique sociale ne suffit pas. Que défaire? est une ode à un retour en force d’une critique culturelle du capitalisme. À quoi bon socialiser les moyens de production si c’est pour rester dans le même degré d’aliénation qu’avant?

En s’attaquant frontalement au mythe du matérialisme historique, ou du moins au mythe qu’il est devenu, Bonnani rappelle qu’aucune technique n’est politiquement neutre (cf. Pdg 173). Espérer que les forces productrices se développent sous le capitalisme pour donner un socle favorable au socialisme est une impasse intellectuelle naïve ignorant autant la robustesse du système économique actuel que l’essence anti-émancipatrice de ces forces productrices.

Dans nos sociétés occidentales, la crise du pouvoir d’achat n’est qu’un cache-sexe dans le contexte d’urgence sociale et écologique. Conséquence de 200 ans de capitalisme, le détachement général de l’humain de lui-même et du monde qui l’entoure mérite une offensive généralisée. Ni bolchevique ou ésotérique, cette offensive commence déjà à l’échelle du quartier, où en organisant des structures en dehors du système d’accumulation, nous apprenons à reprendre le contrôle de nous-mêmes.

À lire: Nicolas Bonanni, Que défaire?, Grenoble, Le monde à l’envers, 2022,112 pages.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 185 (automne 2022).

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