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Pour un contrôle démocratique de la santé

La rédaction •

Les débats politiques concernant le rôle de l’assurance-maladie en Suisse ont tendance à tourner autour de deux problèmes liés : l’argent (efficience du système, coût de la bureaucratie, contrôle des coûts de la santé), et le pouvoir (qui décide ce qui est remboursé et par qui, qui détermine les investissements, le libre choix de ses médecins).

La droite majoritaire a réussi à faire gober deux mensonges aux accents bien connus : des services publics de qualité représentent un coût intolérable, ils ne contrôlent pas leurs dépenses, et ils constituent une limitation inacceptable au droit inaliénable de choisir d’être traité·e et remboursé·e par des charlatan·e·s.

Si la droite était sérieuse en matière de maîtrise des coûts, elle devrait se battre pour un meilleur contrôle sur le système.

Ce dossier rappelle ce que la gauche n’a cessé de marteler depuis des années face à ces arguments de mauvaise foi : les assurances publiques sont en meilleure santé économique que les caisses privées, les coûts de la prise en charge des accidents sont mieux maîtrisés que ceux dus aux maladies, et en général, l’existence d’une assurance obligatoire privée pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Rajoutons que si la droite était sérieuse en matière de maîtrise des coûts, et qu’il ne s’agissait pas d’une rhétorique visant uniquement à engraisser le secteur privé en étendant ses parts de marché, elle devrait se battre pour un meilleur contrôle sur le système.

Ce contrôle pourrait être modéré avec une réelle surveillance des caisses, aujourd’hui absent ou totalement complice de leurs agissements douteux, ou plus efficace avec un système de gestion effectivement public. Et ce système peut être celui de caisses publiques, ou un système non assurantiel qui financerait les soins comme sont financés la formation, l’aide sociale, la police, et tous les autres services publics : directement par l’État, sans tous ces intermédiaires (caisses, corporations, faîtières d’hôpitaux, etc.) que tout bon capitaliste devrait vouloir éliminer pour maximiser l’efficacité financière et gestionnaire du système.

Bien sûr cela demanderait aussi de salarier les prestataires de soins et de cesser de les payer à l’acte, et peu ont le courage d’aller à l’encontre des professions libérales, surtout le corps médical. Mais il resterait à savoir combien s’opposeraient vraiment à cela, si on leur offrait des conditions de travail intéressantes.

On redécouvre tristement aujourd’hui que tout le monde n’est pas égal en matière de santé et que l’accès aux soins est primordial pour maintenir un bon état de santé non seulement dans la crise, quand il est déjà peut-être trop tard, mais surtout de façon préventive. La pandémie actuelle rappelle cruellement à la population suisse la nécessité d’investir dans la formation des soignant·e·s, leurs conditions de travail, et le maintien d’un nombre de lits en hôpital qui permette de gérer les crises.

Le flux tendu qui caractérisait avant la pandémie la charge de travail des soins est la conséquence directe des mesures d’austérité prises par la droite et la gauche au pouvoir : la fermeture d’hôpitaux et de lits, le refus de former plus de médecins et de soignant·e·s, la détérioration des conditions de travail, qui a poussé à l’abandon de ces professions de nombreuses personnes formées, en particulier les femmes, majoritaires dans les soins.

Des caisses-maladie publiques ne règleraient pas tous ces problèmes d’un coup, mais elles élimineraient des obstacles certains au développement de soins de santé réellement au service de toutes et tous, en écartant les acteurs privés de la discussion sur l’accès financier aux soins et la tarification des actes, en contrôlant démocratiquement la participation individuelle aux coûts (primes et quote-part), leur fonctionnement (procédure de remboursement notamment), et en étendant leur mission non seulement à la couverture des soins mais aussi à l’amélioration collective de l’état de santé de la population.

Publié dans le n° 175 (printemps 2020) de Pages de gauche.

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