Jusqu’en 2003, l’Office fédéral du logement (OFL) appliquait au nom de la Confédération la Loi du 14 octobre 1974 encourageant la construction et laccession à la propriété de logements (LCAP). Cette Loi prévoit doctroyer des aides financières directes et indirectes par exemple sous la forme de prêts à des taux avantageux ou de cautionnements lorsque des nouveaux logements sont construits en vue datteindre des objectifs de politique sociale. Concrètement, cela signifie par exemple que la construction de HLM prise en charge par une commune ou un canton peut obtenir, au titre de cette loi, une subvention fédérale. Entre 1991 et 1995, la Confédération a ainsi encouragé la construction de 6000 à 9700 locatifs par an et de 3000 à 4000 logements privés. Cette aide fédérale a contribué à détendre une situation particulièrement critique sur le marché de limmobilier et à assurer du travail aux entreprises de construction, dans une période où la crise frappait durement la Suisse.
Accepter la Loi, couper les moyens
En 2003, lors de la révision de la LCAP, une partie des députés radicaux et UDC se sont opposés sans succès à un texte considéré comme beaucoup trop généreux. Ils demandaient que laide au logement social soit supprimée et que seule soit subventionnée laccession à la propriété. Selon un communiqué de lAssociation suisse des banquiers, le système de la LCAP était mauvais, puisque la Confédération avait dû mettre en place une société de reprise des actifs immobiliers qui avaient été construits avec son aide.
Or, le programme dallègement budgétaire accepté le 2 octobre 2003 qui prévoyait rappelons-le des coupes dun montant total de 3,3 milliards dans les dépenses fédérales a gelé lattribution de ces subventions directes, à peine la nouvelle LCAP adoptée. Les économies réalisées à ce titre devaient être de 15 millions en 2004, de 90 millions en 2005 et de 138,6 millions en 2006. Les aides directes accordées avant 2003 nétaient en revanche pas remises en cause. Les milieux économiques opposés à la LCAP tenaient leur revanche et laffaire, plutôt technique, avait fait peu de bruit à côté des coupes plus importantes opérées dans les prestations de lAI, dans le trafic ferroviaire ou dans dautres secteurs de lEtat social.
Des prêts qui rapportent
Les attaques de la droite ne se sont pas arrêtées en si bon chemin. Le 27 septembre 2004, le Conseiller national Philipp Müller et 75 parlementaires de droite ont déposé une initiative parlementaire demandant à la Confédération de renoncer à encourager la construction et laccession à la propriété et une modification en conséquence de larticle 108 de la Constitution fédérale. Selon eux, ‘lEtat naurait en fin de compte pas à intervenir sur le marché du logement et l’OFL, comme la LCAP, devraient être purement et simplement supprimés.
Largument employé pour développer une telle position est encore et toujours le même: les caisses fédérales seraient vides et il ne faut pas accroître les déficits fédéraux. Or, il est piquant de relever comme le fait dailleurs lOFL dans son rapport dactivité 2004 que les aides octroyées dans le cas de la LCAP rapportent en fin de compte à la Confédération. Les prêts accordés sont en effet remboursés avec intérêt et «contrairement à une opinion très répandue selon laquelle laide au logement ne ferait quentraîner des dépenses, le remboursement de ces avances est une source de rentrées importantes pour la Confédération», de lordre de 113 mios de francs pour 2004.
La fin du logement social?
La LCAP permet de soutenir indirectement le secteur de la construction en cas de crise économique et elle offre une aide appréciée aux régions décentrées de Suisse. Les attaques dont elle est lobjet nont donc pas encore atteint leurs buts, puisque le «bloc bourgeois» est logiquement partagé sur la nécessité dune suppression de la Loi. Pourtant, elles témoignent dune évolution tout à fait inquiétante. Le principe de base, selon lequel il est du devoir de la Confédération de veiller à ce que les conditions favorables soient créées pour que chacun ait un logement, est remis en cause par de telles attaques. Lenjeu est de taille et il est regrettable que laffaire soit jusquà présent restée pratiquement inaperçue.