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À la ligne, feuillets d’usine

Antoine Chollet •

Attention chef d’œuvre, justement récompensé du prix du roman populiste! Ce texte très largement autobiographique suit les journées d’un ouvrier dans différentes usines en Bretagne. On retrouve par endroits les accents d’une Simone Weil dans son «journal d’usine», ou d’un Robert Linhart dans L’établi, notamment le choc du travail en usine pour quelqu’un qui, avant, travaillait ailleurs. Cependant, contrairement à ses deux illustres ancêtres, le narrateur n’y va pas pour faire la révolution, mais «pour les sous».

On le suit dans une conserverie, à décortiquer des crevettes par milliers, à cuire des bulots par tonnes, puis dans un abattoir, à promener sur des rails les carcasses gigantesques des bœufs qui viennent d’être abattus. Le récit est d’abord descriptif, détaillé, bien souvent saisissant. Les conditions de travail sont terribles, la possibilité d’une résistance ouvrière extrêmement ténue, et l’épuisement guette à chaque instant.

Mais toute description, surtout celle d’une usine, est toujours politique. L’auteur le sait bien, lui qui dédie son livre, entre autres, «aux prolétaires de tous les pays». On dit trop souvent qu’il n’y a plus de classe ouvrière en Europe, qu’elle a été délocalisée en Chine ou ailleurs. Le livre de Joseph Ponthus montre qu’il n’y a peut-être plus de classe, au sens d’un ensemble de personnes qui pensent en former une – économiquement, socialement, politiquement – mais qu’il y a encore des ouvrières et des ouvriers. Et qu’ils et elles se crèvent toujours à la tâche.

Joseph Ponthus, À la ligne, feuillets d’usine, Paris, Gallimard (Folio), 2020.

Cet article est paru dans Pages de gauche n° 177 (automne 2020).

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