Grève chez Smood: les livreuses et livreurs demandent plus de respect

Entretien avec Aymen Belhadj

Engagée depuis le début du mois de novembre, la grève menée par les livreuses et livreurs de l’entreprise de livraison à domicile Smood, soutenu·e·s par Unia, est désormais implantée dans huit villes de Suisse romande. Malgré les tentatives d’intimidation, les employé·e·s ne cèdent pas et continuent à se mobiliser pour des conditions de travail décentes. Afin de nous apporter un éclairage sur la situation, Aymen Belhadj, secrétaire syndical transport et logistique chez Unia et coordinateur du mouvement, a accepté de répondre à nos questions.  


De par la nature de leur travail, les employé·e·s semblent avoir peu de contact entre elles et eux, comment la grève s’est-elle organisée ?

Par le biais d’assemblées. Nous identifiions des problèmes, puis le constat sur la généralité de ces problèmes a été établi. Des collègues rejoignaient petit à petit, jusqu’à ce que la première grève soit lancée à Yverdon. Il faut aussi ajouter que, ce qui est particulier à Yverdon et qui a beaucoup aidé, c’est qu’il s’agit d’une petite équipe. Il y a donc des liens très établis qui précèdent la mobilisation et qui facilitent la connexion entre les gens.

Quelles sont les revendications portées par les livreurs et livreuses ?

Les revendications concernent tout d’abord les frais assumés par les employé·e·s, comme les frais de voiture et les frais de téléphone, mais aussi les heures supplémentaires, le travail non payé, ainsi que la transparence sur la traçabilité de ces heures. Il y a aussi des questions de pourboires. Le système de distribution des pourboires est en effet peu transparent et non équitable, ainsi que basé sur des motifs de concurrence plutôt que de mérite, soit individuel ou collectif. Ensuite, concernant la partie Simple Pay [1], il y a la demande de respecter la loi en matière de calcul du nombre d’heures, c’est-à-dire que les travailleurs et travailleuses sont payé·e·s seulement à la commande, alors que la loi est claire en la matière: il faut payer les heures qui sont à la disposition de l’employeur et non pas seulement les moments où il y a des livraisons à faire.

Y a-t-il une réaction de Smood ? des tentatives d’intimidation ou une volonté de faire pression sur employé·e·s ?

Absolument. C’est exercé de plusieurs manières, par exemple par la tentative d’infiltrer les assemblées et l’envoi de certaines personnes lors de ces dernières pour enregistrer. Ils ont également essayé de filmer les personnes qui participent à la grève pour les intimider, c’est notamment arrivé à Genève. Aussi, des messages sont envoyés à des individus qui sont visibles dans la lutte. Ce type de pratique est exercé par le biais des managers locales·aux. Il y a également eu des appels pour dire aux employé·e·s qu’il ne faut pas se rendre aux assemblées d’Unia. Il y a donc eu de nombreuses tentatives d’intimidation.

Est-ce qu’il y a des négociations, ou du moins un dialogue, en cours ou prévu ?

Pour le moment non, c’est-à-dire que nous restons ouverts au dialogue, mais l’entreprise continue d’avancer, comme cela figure dans son communiqué, qu’elle a un projet de CCT avec Syndicom. Il s’agit-là de quelque chose que nous ne contestons pas, évidemment, ils sont en voie de faire une CCT. Cependant, il faut tout de même noter un refus d’entrer en matière. Ça avance un peu. Dans le dernier communiqué, il y a eu une allusion à entrer en matière sur certains points que nous avions formulés dans nos revendications. Il y a donc quand même une amélioration dans la réaction de Smood, mais qui reste très ambiguë. Beaucoup de points posent encore des questions.

Justement, par rapport à Syndicom, ils seraient en cours de négociation avec l’entreprise pour l’instauration d’une CCT. Avec les employé·e·s, vous semblez avoir fait le choix de modes d’action plus forts, ou en tout cas moins consensuels, pourquoi avez-vous opté pour une entrée en grève ?

Il y a deux choses. La première chose est que nous n’étions pas au courant de ces discussions. La deuxième chose, c’est que nous étions, au départ, sur un processus un peu moins rapide, en tout cas en matière d’entrée en grève. Toutefois c’est vrai qu’à un certain moment – alors nous avions déjà échangé, envoyé des lettres à l’entreprise pour leur demander de discuter de différents points que nous avions soulevés – il y a eu un basculement. Lorsque les travailleurs et travailleuses ont reçu leur fiche de salaire, ils ont constaté qu’il y a avait beaucoup d’heures qui avaient été supprimées et qui n’ont ainsi pas été payées. Et à ce moment-là, c’est vrai qu’il y avait un état de rage chez les employé·e·s. Ils et elles se sont alors lancé·e·s en mis·e·s en disposition pour entrer en grève. Nous, en tant que syndicat, nous ne pouvions pas nous opposer à leur volonté d’engager le mouvement.

Que prévoyez-vous pour la suite ?

Nous sommes en train d’évaluer les réponses que Smood a données publiquement, ainsi que la position de Syndicom. Et puis avec les travailleurs et travailleuses, nous posons et discutons toutes ces questions-là. Les assemblées sont souveraines et vont décider de la suite.

Propos recueillis par Zoé Seuret.

Pour plus d’informations sur la grève engagée par les livreuses et livreurs Smood: https://www.unia.ch/fr/monde-du-travail/de-a-a-z/secteur-des-services/transport-logistique/smood


[1] À Lausanne et Genève, les coursiers et coursières sont employé·e·s par le biais du sous-traitant Simple Pay.

Crédits image: Rowan Freeman sur Unsplash.

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