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Globaliser le droit!

Pour comprendre les débats actuels autour de la responsabilité sociale des entreprises, il faut comprendre les transformations qui ont marqué les modes de production ces deux dernières décennies. La fragmentation et la délocalisation de la production – que ce soit dans le textile, l’électronique ou l’alimentation – ont multiplié les possibilités pour les sociétés transnationales d’échapper aux lois et règlementations environnementales et sociales. Et ce vide juridique constitue aujourd’hui un défi de taille.

renons l’exemple de l’électronique. Une firme comme Hewlett Packard a externalisé 85% de sa production et ne possède plus d’usine. Ses ordinateurs sont fabriqués et assemblés par plus de 7’000 fournisseurs, en Asie et en Amérique latine. Résultat: ce sont ces fournisseurs qui sont juridiquement tenus de respecter les lois nationales et internationales du travail ou les normes environnementales. Si par exemple, une usine en Chine pollue la nappe phréatique par une mauvaise gestion des déchets toxiques utilisés pour fabriquer les ordinateurs, ce n’est pas Hewlett Packard, mais le propriétaire de l’usine qui est juridiquement responsable. Il en va de même si les droits syndicaux – liberté d’association, assurances sociales, etc… – sont bafoués. En externalisant la production, les marques ont donc externalisé les risques sociaux et environnementaux. Elles soumettent leurs fournisseurs à des pressions énormes – prix défiants toute concurrence, délais toujours plus courts et quantités variables, etc.. – tout en échappant à leur responsabilité face à la société. Et actuellement aucun élément du droit international ne permet de lutter contre cette réalité.

Nestlé s’en lave les mains

Autre exemple, l’alimentation. Nestlé a été un pionnier en matière de globalisation et de délocalisation de la production. La firme suisse a tissé un réseau de plus de 480 filiales, réparties sur les cinq continents. Et en 2006, elle employait 265’000 personnes. Juridiquement, les filiales de Nestlé sont tenues de respecter les lois – sociales environnementales, etc. – des pays de production. En cas de problème, quelle est cependant la responsabilité de la société suisse, qui a une identité juridique différente de sa filiale? La question n’est pas rhétorique: elle constitue l’écueil contre lequel la majorité des campagnes internationales ont butté à ce jour. Lorsque le syndicat colombien SINALTRAINAL par exemple a dénoncé en 2002 la fin de la convention collective et des pressions sur les ouvriers syndiqués dans l’usine Cicolac, la direction suisse a affirmé qu’elle ne savait «pas ce qui se passait dans sa filiale, puisque «la responsabilité de l’affaire n’était pas entre les mains de Nestlé suisse, mais de Nestlé Colombie». Juridiquement, aucun élément du droit suisse ou international ne permet de contrer cette défense de Nestlé.

Globaliser les droits humains

L’un des défis principaux dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises est donc d’établir des nouveaux cadres juridiques qui correspondent aux nouveaux modes de production. C’est-à-dire de globaliser les droits humains. Au niveau suisse, une piste serait de modifier le code pénal pour qu’une entreprise ayant son siège dans notre pays puisse être rendue responsable des infractions commises à l’étranger. L’association TRIAL (www.trial.ch) réfléchit dans ce sens. Au niveau international, le débat tourne autour des «Normes sur la responsabilité en matière de droit de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises», qui ont été rédigées en 2003 par une sous-commission (de la promotion et de la protection des droits de l’homme) des Nations-Unies. Le débat cependant stagne. Et face à l’opposition des Etats-Unis, de l’Autralie et des grands lobbies économiques, ce projet de normes a peu de chances d’être accepté dans un proche avenir.

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