Conclusion du dossier sur le handicap: dénoncer le validisme

La rédaction •

Avec la sortie du numéro 188 de Pages de gauche dont le dossier est consacré au handicap, Pdg publie en libre-accès la conclusion de ce dernier afin d’en donner un aperçu. Pour recevoir le numéro en entier et soutenir une presse de gauche indépendante, abonnez-vous!


Alors que les droits politiques des personnes en situation de handicap sont loin d’être garantis pour tout·te·s en Suisse, il est important de continuer à lutter pour une meilleure intégration sociale, urbaine et économique de TOUS les types de handicap visibles ou non. Ainsi, le durcissement continu de l’accès aux prestations sociales comme au remboursement des moyens auxiliaires tend à isoler et précariser davantage les personnes concernées ou leurs proches, notamment les femmes. Travailleuses, mères, compagnes, patientes, militantes, les femmes sont présentes sur tous les fronts, mais sont également les plus vulnérables face à la maladie et les inégalités d’accès au diagnostic et à une prise en charge adéquate. En effet, plusieurs pathologies dites «féminines» sont complètement sous-investiguées par la biomédecine face au patient-type masculin de par un système de santé et d’assurance sexiste qui repose sur des conceptions tout sauf scientifiques et objectives de la maladie comme on pourrait le penser. N’oublions pas également l’histoire raciste qui se cache derrière les politiques de santé eugénistes adoptées au XXe siècle et qui, encore aujourd’hui, influencent directement la perception et la prise en charge des patient·e·s racisé·e·s dont les symptômes ou la douleur sont ignorés au profit de diagnostics psychiatriques erronés. Ni les populations marginalisées qui ont été stérilisées de force et pour certaines, continuent même en Suisse d’être privées de leurs droits sexuels et reproductifs.

Il est donc nécessaire d’adopter à gauche une perspective intersectionnelle incluant sérieusement la question du handicap afin de sortir définitivement de certains présupposés validistes qui circulent encore largement, y compris dans nos milieux militants, et qui invisibilisent la diversité de vécus et de personnes concernées par une ou plusieurs maladies. Sans véritable accès équitable au mariage et au vote, les personnes en situation de handicap sont les grandes oubliées des luttes de gauche pour qui ces droits politiques représentent déjà un acquis. En ce sens, la politique nationale des «petits pas» mettant en avant des victoires locales peu convaincantes sur l’installation de quelques rampes d’accès dans les lieux publics ne suffit pas. Le handicap dans sa diversité ne saurait dans tous les cas se résumer à la mobilité réduite, mais nécessite de repenser intégralement nos espaces de réflexion et de lutte contre le validisme, l’âgisme, la psychophobie ou la grossophobie. Quatre tueurs silencieux qui sont maintenus et même vivement encouragés par nos institutions comme puissants vecteurs de normes sociales.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 188 (été 2023).

Crédit image: Martin Woortman sur Unsplash.

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