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Climat: la grande illusion européenne

Les dernières décisions de l’Union européenne en matière climatique témoignent de l’absence complète de prise en considération du problème et font craindre le pire pour l’avenir.

L’Union européenne fait souvent figure de leader dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Il est vrai que face aux Etats-Unis de Bush, nul n’est besoin d’être un éleveur de chèvre bio du Larzac pour apparaître comme un grand écologiste… Néanmoins, les dernières décisions du Conseil européen portant sur le «paquet énergie-climat», méritent que l’on souligne une fois de plus la quasi-totale inanité des politiques européennes dans le domaine.

Quel est l’enjeu? Le groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) qui produit le consensus scientifique au niveau mondial, estime d’une part dangereux un réchauffement de la température moyenne du globe de plus de 1,7°C par rapport à 1780, d’autre part qu’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40% d’ici 2020 (par rapport à 1990) est nécessaire pour rester dans une fourchette de +2° à +2,4°C. Bref, des réductions sérieuses et rapides sont nécessaires de la part des pays développés, si l’on veut rester dans les limites d’un réchauffement qui ne cause pas de dégâts majeurs (il est déjà trop tard pour éviter tout réchauffement…).

Quel était alors le but poursuivi par l’UE lors de ce sommet? Grosso modo, il s’agissait d’entériner la règle des 3×20: améliorer l’efficacité énergétique de 20%, porter à 20% la part de renouvelable dans la consommation finale d’énergie et réduire de 20% les émissions de CO2 par rapport à leur niveau de 1990, ceci pour l’horizon 2020. Cet objectif, comme on le constate aisément est déjà largement en dessous de la fourchette du GIEC.

Mais laissons la parole au grand écologiste français Nicolas Sarkozy, président en exercice de l’Union européenne, qui au sortir du Conseil européen du 12 décembre dernier a déclaré: «ce qui se passe est historique, il n’y a pas un continent au monde qui soit doté de règles aussi contraignantes que celles que nous avons adoptées à l’unanimité et franchement ça a été beaucoup plus facile à faire qu’on ne le dit.»
Ça a pu être facile en effet, puisqu’en réalité ces «efforts de réduction» qui sont déjà en soi insuffisants, ont été rendus à peu près nuls par le Conseil européen… 4% de réduction d’après Greenpeace. En effet, l’UE a déjà réduit de 8% ses émissions par rapport à 1990. Et les décisions prises à Bruxelles stipulent que deux tiers des réductions (soit 2/3 des 12% restants) peuvent être faites à l’extérieur du territoire de l’UE, par exemple en compensant des émissions de CO2 dans des pays en développement. Comme le dit si joliment un autre grand écologiste, Silvio Berlusconi, président du Conseil italien: «Notre habileté tactique a payé. Nous n’avons pas eu peur de menacer d’opposer un veto pour obtenir des décisions de bon sens afin de défendre les intérêts de notre économie manufacturière.»

Effets d’annonce

Les industries polluantes européennes disposent d’un solide réseau de lobbying auprès des institutions européennes. Mais avec des gouvernements aussi visiblement à leur service, le lobbying n’a nul besoin d’être trop intensif. «Droits à polluer gratuits pour les centrales à charbon polonaises, grammes de CO2 offerts en bonus aux constructeurs automobiles allemands, possibilité pour chaque Etat d’aller acheter des crédits d’émissions de CO2 hors d’Europe: avec Nicolas Sarkozy à la tête de l’Union, c’était Noël tous les jours pour les industries les plus polluantes!», déclare Karine Gavand de Greenpeace France.

Outre l’arnaque de la «compensation» à l’étranger des émissions européennes, le Conseil a rendu à peu près totalement inefficace le mécanisme des marchés de permis de polluer (mécanisme, d’ailleurs hautement critiquable en soi, mais c’est un autre problème). Les allocations de base de permis sont si généreuses qu’en réalité presque aucune industrie n’aura à payer quoi que ce soit, et il se pourrait même que certaines fassent du profit grâce à cette manne européenne. C’est le cas des producteurs d’électricité qui ont simplement transféré sur le consommateur le surcoût du mécanisme.

Deux grands secteurs, responsables de près de 50% des émissions européennes, sont soumis au marché des permis: l’énergie et l’industrie (chimie, acier, ciment, etc.): «Côté industrie, l’exception est en train de devenir la règle: à force d’accorder des dérogations à tout le monde, seuls 4% des émissions polluantes vont finir par être soumises aux enchères, autant dire rien du tout», affirme Karine Gavand de Greenpeace France

Pas de mesures sociales non plus

Quant à l’accompagnement social de la transition vers une économie à moindre intensité carbonique, il n’en a, bien sûr, pas été question. Ce qui a fait dire à la Confédération européenne des syndicats, qui avait demandé la création d’un fonds européen d’ajustement à une économie «bas carbone» afin d’accompagner les transitions subies par les travailleurs déplacés: «les questions clefs demeurent, en particulier la capacité financière de l’UE à investir en conséquence dans les 27 pays afin de réduire le CO2 et favoriser les énergies renouvelables. Le mécanisme d’échanges de quotas d’émission de CO2 ne permettra de dégager des ressources financières que de manière insuffisante pour remplir cette mission d’investissement. Tout comme il n’y a pas d’instrument financier de solidarité avec les pays en voie de développement.»

Avec un 20% de réduction, en soi insuffisant, et qui ne sera probablement pas atteint au vu des conditions susmentionnées, les estimations portent maintenant sur 4% d’augmentation de la température moyenne pour la fin du siècle. Autrement dit une catastrophe annoncée, si les autres pays industrialisés emboîtent le pas à l’UE.

Une fois de plus, le cynisme consommé des dirigeants européens au service du capital se févèle en matière de politique climatique. Ils arrivent à faire passer de ridicules vessies pour de magnifiques lanternes. Jusqu’à quand?

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