0

«Changer le livre et la presse»

C’est avec ce message que le syndicat Comedia a interpellé le public et le personnel du 22ème Salon du livre et de la presse de Genève. En marge du Salon, donc, une belle rencontre avec Bruno Clément journaliste et syndicaliste à Comedia.

PdG: Comment le tract de Comedia, intitulé «Pour un autre Salon du livre. Petite réflexion sur la dérive marchande» est-il reçu?

BC: Bien. Dans les stands des rares «petites» éditions, le personnel se réjouit de notre lecture critique. Le problème, c’est qu’il y a au salon principalement des diffuseurs, comme L’Office du livre de Fribourg, Diffulivres (tous deux du groupe Hachette donc filiale du géant français Lagardère) et Servidis (Slatkine, un des groupes encore un tant soit peu indépendant). Et, sur les stands de presse, on trouve surtout des étudiant-e-s et des commerciaux/ales qui vendent des abonnements et peu voire quasiment aucun représentant-e-s des rédactions, ainsi, il est clair que notre propos ne parvient peut-être pas à toutes les oreilles.

En quelques mots, quelle différence entre Impressum et Comedia?

Comedia date de décembre 1998 et s’est d’emblée considéré comme un syndicat multi-catégoriel (regroupant journalistes, documentalistes, polygraphes, libraires, métiers de l’industrie graphique…). Impressum se voit avant tout comme un «ordre professionnel», seul-e-s les journalistes peuvent être membres et les stagiaires ne sont que candidats. Le sésame, c’est le RP. Comedia revendique une histoire longue qui plonge ses racines dans le premier syndicat de Suisse, la Fédération des typographes (1858).

Qu’en est-il de la convention collective de travail en Suisse romande?

Edipresse qui pèse lourd dans Presse suisse a un intérêt à une CCT, car elle est un garant de paix du travail. En plus, l’actuelle CCT est plus «light» que l’ancienne. Les salaires minimaux ne sont plus automatiquement indexés, les paliers dans l’échelle des années de service ont été modifiés au détriment des journalistes et les négociations sont renvoyées à l’échelle de l’entreprise. La CCT 2007 poursuit sur le chemin d’une plus grande individualisation des salaires et des conditions générales de travail. Il en résulte précarité et isolement.

Pouvez-vous préciser la question du RP?

Le métier de journalistes est marqué par l’ordre professionnel, ce sont tes pairs qui te reconnaissent journaliste. C’est un métier qui s’acquière «sur le tas», tu peux faire une licence à Fribourg ou à Neuchâtel, par exemple, mais tu n’es pas journaliste. Pour obtenir le RP, le critère principal est de montrer que tu as passé la moitié de ton temps à exercer le métier dans la pratique. Il faut par ailleurs être syndiqué-e pour obtenir la carte de presse.

Pourquoi Comedia désire s’associer à une CCT si «minimale»?

Avant tout, parce qu’une CCT est mieux que pas de CCT; il s’agit d’un outil très important.

Aux niveaux des droits collectifs des rédactions, il y a par exemple un article intéressant, le droit du personnel à donner son avis préalable sur la nomination du rédacteur/trice en chef. Ce droit n’est quasiment jamais invoqué, mais le fait qu’il existe est essentiel. N’oublions jamais qu’il y a deux combats autour d’une CCT: la signature et l’application! Le deuxième est trop souvent abdiqué.

Pour clore, disons quelques mots des conditions du métier…

Le journalisme est un noble métier. Il demande rigueur, indépendance et engagement. Vu la position de «média» entre le monde et le public, les journalises portent une responsabilité éthique et politique. Pour leur donner des repères, il y a la déclaration des devoirs et des droits. Pourtant, celle-ci est foulée aux pieds quotidiennement. La concentration accélérée des médias va de pair avec une dérive vers le sensationnalisme, la pipolisation, le «tout vaut tout». Le choc est de plus en plus fort entre la déontologie et le marketing au profit du deuxième». Une image pour finir. Je vois certaines rédactions comme des galères modernes. Le tambour marquant la cadence a été remplacé par les verdicts de l’audimat et des visites sur les sites, si ton article n’est pas lu tant de fois en un temps donné, tu es out.

Propos recueillis par Valérie Boillat

webmaster@pagesdegauche.ch

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *