1er mai: pour un nouveau départ social!

Zoé Seuret •

L’année dernière, à la même date, les manifestations prévues pour le 1er mai étaient annulées. Nous nous apprêtions alors, sans le savoir, à affronter une longue traversée parsemée d’incertitudes et de désillusions, au cours de laquelle de nombreuses·eux travailleurs et travailleuses ont été contraints de retenir leur souffle et de courber l’échine. De manière à opérer une rupture avec les logiques actuelles du marché du travail — qui se sont révélées, à la lumière de la crise sanitaire, plus défaillantes encore qu’avant — il s’agit cette année d’organiser l’événement sous les couleurs du renouveau. En ce jour de 1er mai, la lumière printanière éclaire une certitude : celle d’un mouvement syndical inépuisable, qui, au sortir d’un hiver social des plus rudes, est prêt à renaître.


Alors que l’équilibre du marché du travail était déjà précaire, les secousses provoquées par la pandémie ont eu pour effet d’approfondir les failles préexistantes et de creuser encore le gouffre des inégalités. Baisse des revenus et licenciements, insécurité générale et dégradation des conditions de travail ; les effets sont variés et s’étendent à de nombreux secteurs du monde du travail. Si le manque de recul rend actuellement difficile l’exercice de mesurer l’ampleur du phénomène et de constater toutes les conséquences provoquées par la crise, il apparaît néanmoins que la précarité s’installe et que la pression exercée sur les travailleurs et travailleuses s’amplifie. Par ailleurs, si la pandémie est a priori l’affaire de toutes et tous, les différentes classes sociales ne sont pas touchées de la même manière. En effet, ce sont les personnes les moins formées et avec les plus faibles revenus qui paient le plus les conséquences de la crise. De l’autre côté de l’échelle, les super-riches jouissent toujours des mêmes privilèges fiscaux et s’enrichissent sans fournir d’efforts à travers les revenus du capital.

Et si ce tableau paraît sombre, celui-ci a tout de même le mérite de mettre en lumière les contours de la violence engendrée par les rapports entre le Capital et le Travail. En effet, les contrastes sont désormais criants entre certain·e·s travailleurs et travailleuses — qui sont, aujourd’hui plus que jamais, des acteurs et actrices essentiel·le·s du bon fonctionnement de notre société — et une poignée de privilégié·e·s que la crise semble au pire ne pas atteindre et au mieux accroître encore la fortune. C’est là la démonstration de l’incohérence de notre système de répartition des richesses, supposé être régi selon les principes de la méritocratie. La situation actuelle le démontre clairement, ce récit méritocratique n’est qu’un instrument visant à justifier et à légitimer les rapports de pouvoir et de domination. Il conviendrait, à la lumière de la crise, de considérer l’ampleur des inégalités et des injustices subies par les travailleurs et travailleuses, dont le produit du travail est en partie accaparé par le 1% des Suisses les plus riches. L’extrême concentration des richesses dans les mains de ce centile, détenant aujourd’hui 42% de la fortune globale de la Suisse, est alarmante.

Après ce long hiver, les lueurs printanières font ainsi apparaître les absurdités d’un système défaillant, mais font surtout germer notre volonté d’en enrayer les mécanismes. Après avoir pu constater depuis plus d’une année que des travailleurs et travailleuses de divers corps de métier œuvrent avec force pour le bien commun, une occasion se présente de remettre en question nos considérations autour du travail et de sa valeur et ainsi d’aboutir à une meilleure valorisation et rémunération de certaines professions qui se sont révélées essentielles au bon fonctionnement de notre société. Cette meilleure reconnaissance du travail fourni par les travailleurs et travailleuses doit également s’accompagner d’autres mesures : sécurité financière, bonnes conditions de travail et retraites dignes doivent désormais devenir des impératifs. D’autre part, il devient urgent de s’emparer des questions de justice fiscale et d’inégalités de revenus afin d’organiser une meilleure répartition des richesses. En ce 1er mai, et au regard de cette année qui s’est avérée difficile pour beaucoup, célébrons ainsi la reprise de la lutte avec l’espoir de fonder une société nouvelle ; plus juste et solidaire, et avec la certitude que, malgré la traversée de périodes difficiles et incertaines, les voix des travailleurs et des travailleuses et du mouvement syndical recommenceront toujours à s’élever.  

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