Revendiquer ses droits avec un handicap

Nicole Tille ·

La Suisse s’était donné un délai de 20 ans pour mettre en œuvre la loi pour l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées, censée améliorer entre autres l’accessibilité et la mobilité personnelle et donc l’autonomie de 22% de sa population. Deux décennies plus tard, le constat est brutal : les barrières qui handicapent sont toujours là !


En mars 2022, le Comité des droits des personnes handicapées a publié son rapport initial sur l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) de l’ONU, ratifiée par la Suisse en 2014. Le résultat est consternant. Un seul article mentionne quatre aspects positifs, tandis que la soixantaine d’articles suivants s’attardent sur les manquements, sobrement nommés « sujets de préoccupation », agrémentés de nombreuses recommandations appuyées, notamment par celle de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Ce n’est pas anodin, car cet outil permettrait de dénoncer des situations injustes à la CDPH.

La mobilisation se met en marche

Les associations faîtières et organisations suisses œuvrant pour les droits des personnes en situation de handicap sont en effervescence depuis une année pour dénoncer la situation intolérable dans laquelle se trouve près d’un quart de la population suisse, porteuse d’un handicap. En clair, les lois doivent être adaptées à tous les niveaux (fédéral, cantonal, communal), épurées des termes dépréciatifs comme « invalides » et « impotents » pour les remplacer par des formules respectant la dignité des personnes handicapées.

La représentativité ou l’auto-représentation des personnes en situation de handicap en politique pose également problème avec le nombre marginal d’élu·e·s dans les exécutifs et les législatifs, aucunement représentatif des 1,7 million de personnes en situation de handicap que compte notre pays.

Une session parlementaire remarquable

Face à ce constat et sous l’impulsion de Pro Infirmis, la première session parlementaire des personnes handicapées s’est tenue le 24 mars 2023 dans la Chambre basse où siège habituellement le Conseil national. 44 élu·e·s représentant les 22% de la population en situation de handicap ont investi ce lieu le temps d’un après-midi. J’ai eu l’honneur de compter parmi ces 44 parlementaires d’un jour.

Grâce au travail important effectué en amont par Christian Lohr, Conseiller national et Président de la session, de son comité, sans oublier celui de tou·te·s les participant·e·s, une résolution sur le thème de la participation et des droits politiques a pu être débattue, amendée et finalement adoptée.

Que de conviction, d’engagement, de volonté de faire bouger les lignes de la part de toutes et tous, particulièrement dans les interventions fortes et poignantes emplies de revendications légitimes pour défendre les amendements. Que d’émotions lorsque la résolution a été adoptée. Des gradins est arrivé un tonnerre d’applaudissements, longs et nourris, des plus de 300 spectatrices et spectateurs qui y avaient pris place. J’ai vraiment été très émue par cette volonté commune qui s’exprimait de manière si bruyante d’aller de l’avant ensemble.

L’inclusion c’est maintenant !

Et c’est peut-être là la clé pour que les choses bougent enfin. Il faut se manifester, sortir du bois, arrêter de rester dans la case « handicapé·e ». Partager au monde nos capacités, nos compétences. À force de parler d’handicapé·e·s, on en oublie que nous sommes capables. Nous rendre visibles dans toute notre diversité et dénoncer les obstacles visibles et invisibles qui se dressent en travers du chemin renforçant encore les handicaps.

Faire bouger les lignes, c’est éduquer, sensibiliser le grand-public, les autorités politiques et judiciaires, c’est adapter, modifier, adopter des lois qui respectent la dignité de chacune et chacun pour réaliser enfin les engagements envers l’ONU, envers les citoyennes et les citoyens handicapé·e·s.

Le 10 mai 2023, une grande manifestation s’est tenue sur la Place fédérale pour récolter des signatures en faveur de l’Initiative pour l’inclusion qui demande l’égalité, la participation, l’autodétermination et une assistance pour les personnes avec handicap. L’occasion également de présenter les 11 candidat·e·s en situation de handicap en lice pour le Conseil national en 2023, soutenu·e·s par Pro Infirmis. Nous sommes tout·e·s motivé·e·s pour faire entendre nos voix et celles de nos pairs au Conseil national dès cet automne.

Pour signer l’initiave pour l’inclusion : www.initiative-inclusion.ch

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 188 (été 2023).

Illustration: événement Initiative pour l’inclusion, www.initiative-inclusion.ch/evenements, avril 2023.

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