Redécouvrir la vie d’Emma Goldmann

Gabriel Sidler •

Avec la réédition aux Éditions L’échappée en format poche de la traduction française de Vivre ma vie, Pages de gauche republie également son compte rendu de 2019 de l’autobiographie d’Emma Goldmann.


Gros volume de plus de 1000 pages, l’autobiographie d’Emma Goldmann (1869-1940), rédigée à la fin des années 1920, vient seulement d’être intégralement traduite en français aux Éditions de l’échappée. Elle y détaille sa trajectoire au sein du mouvement anarchiste international, qui commence par la révolte et l’horreur suscitées par la pendaison de quatre anarchistes en 1887, accusés à tort d’être responsables du massacre de Haymarket Square à Chicago (manifestation ouvrière qui dégénéra, et en mémoire de laquelle la date du 1er mai est devenue la journée des travailleuses·eurs). Sa lutte infatigable pour la défense et la mise en pratique de la liberté d’expression et ses innombrables conférences d’un bout à l’autre des États-Unis en feront rapidement une figure reconnue du mouvement anarchiste, aussi applaudie par le public ouvrier que détestée par la presse bourgeoise.

Mais loin de se cantonner à l’analyse politique ou à la fresque historique, Emma Goldmann raconte dans ce livre son parcours au plus près du vécu, dans son entièreté et sa complexité; et comme dans la plupart des vies, les amitiés et les rencontres amoureuses en constituent une part centrale, d’autant plus pour celle qui a fait le choix de l’amour libre, en cohérence aussi bien avec ses désirs profonds qu’avec ses idéaux libertaires. Expulsée en Russie en 1919, son dévouement extrême à «la Cause» trouvera tragiquement son pendant dans la violente désillusion suscitée par la contre-révolution bolchévique, au point qu’on en arrive à se demander si l’aspect le plus admirable d’«Emma la rouge» n’est pas précisément le fait qu’elle arrive, après Kronstadt, à continuer à «vivre sa vie».

À lire: Vivre ma vie. Une anarchiste au temps des révolutions, Emma Goldman, Paris, L’échappée, 2022, 1128 pages.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 171 (printemps 2019).

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