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PSS et sécurité: un débat en trompe-l’œil

Après l’éviction de Christoph Blocher, qui détient le leadership sur le thème de la sécurité? La direction du PSS focalise pendant des mois l’attention de la population sur ce qui est un faux débat. Et perd de vue les véritables priorités.

Il fallait le faire. Après l’éviction de Christoph Blocher, l’UDC se trouve en pleine guerre de scission, les paroles fratricides font légion et l’ancienne force hégémonique du «bloc bourgeois» ne cesse de perdre de sa splendeur. L’échec du 2 juin en votation fédérale venait encore approfondir le désarroi des épigones du néo-populiste zurichois. Pour le Parti socialiste s’ouvrait alors une voie royale pour mener campagne autour de ses thèmes centraux: la défense du pouvoir d’achat de la majorité salariale, le rejet des logiques néolibérales, la poursuite d’une politique économique basée sur des réformes écologiques, la lutte pour un droit migratoire et d’asile digne de ce nom. Au lieu de ça, nous aurons eu droit pendant presque quatre mois à une discussion incessante autour de la thématique de la sécurité publique.

Un flou artistique volontaire

En présentant à la fin du mois de juin son papier de positionnement, la nouvelle direction se voulait pragmatique. C’est l’effet contraire qu’elle a provoqué. Le qualificatif de fourre-tout (Tutti frutti) avancé par la conseillère nationale de Bâle-Campagne, Susanne Leutenegger Oberholzer, résume très bien ce papier. En rappelant des lieux communs socialistes – la nécessité de défendre une idée globale de la notion de sécurité, par exemple – le texte enfonce des portes ouvertes.

Le bât blesse ailleurs. La commission thématique à l’origine de ce papier érige les «sentiments d’insécurité éprouvés par beaucoup de personnes lors qu’elles se trouvent dans l’espace public» en base prétendument objective de ses thèses. Aucune analyse chiffrée de ses dires. Aucune confrontation de cette hypothèse à l’évolution statistique de la criminalité et des actes contraires à l’ordre public en Suisse. La raison de cet oubli est simple: comme on peut le constater à travers la publication (La délinquance des jeunes: l’insécurité en question) du chef de la sûreté neuchâteloise, Olivier Guéniat, la réalité des données fiables n’est pas celle que veut nous faire croire l’avant-garde réactionnaire socialiste amenée par la conseillère nationale bernoise Evi Allemann pour laquelle «le PSS souhaite faire en sorte que la sécurité augmente pour tout le monde moyennant un mix de mesures préventives et répressives» (WoZ, du 10.7.2008).

Laissons ce genre d’alchimie à qui de droit. Pour les socialistes, il ne faut pas jouer avec le feu. Ce n’est pas sans raison que la direction du parti s’est ravisée au début de ce mois en indiquant vouloir présenter les fondements chiffrés de son analyse impressionniste. Communiqué de presse du PSS du 6.9.2008: «Cette analyse existe, mais avait été laissée à l’arrière-plan afin de faire en sorte que le papier de position se concentre essentiellement sur les réponses socialistes à l’insécurité». Cette phrase en dit long sur l’embarras actuel. Et aussi sur la conception de militant•e•s socialistes disposant librement de leur cervelle.

Retour au pragmatisme

En faisant abstraction de la volonté de l’aile droite du parti de regagner du terrain, ce débat pourrait être beaucoup plus simple. Premièrement, nous vivons dans une société sujette à une précarisation sociale croissante qui laisse des traces dans la perception subjective de beaucoup de monde en ce qui concerne le sentiment de sécurité. Combattre ce sentiment signifie se battre tous les jours pour un Etat social fort, des conditions de travail et salariales progressistes, notamment aussi pour les sans-papiers, et des services publics démocratiques. Instrumentaliser ce sentiment d’insécurité compréhensible à des fins de profilement politique en le présentant comme attaque contre l’UDC est inadmissible. En second lieu, il existe des lois et des tribunaux pour faire respecter l’ordre public. En troisième lieu, la concrétisation de ce respect ne peut aller ensemble avec la violation des droits fondamentaux comme le démontrent tristement l’affaire Nestlégate et son corollaire, l’AntiRepGate. Quatrièmement, si on veut parler sécurité publique, il est indispensable de se servir des éléments d’analyse à disposition.

Le véritable pragmatisme est là: au lieu de bomber le torse, d’appeler à la chasse aux mendiants «si leur présence dépasse un certain seuil de tolérance» (première version du papier du PSS) et à la vidéosurveillance («son utilité pour la sécurité publique est cependant contestée» (première version du papier du PSS), il vaut mieux débattre sur la base d’informations valables. Le récent revirement de la direction du parti sous la pression de la base n’y change rien. Il s’agit en effet, comme le rappelle si justement le conseiller national des Grisons Andrea Hämmerle, d’«en rester aux thèmes centraux du parti socialiste, à savoir la politique sociale, économique et de l’environnement ainsi que la défense du service public». Espérons que la farce actuelle prenne rapidement fin.  

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