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Patriarcat et capitalisme : du balai !

Line Rouyet •

Chaque jour, des milliards de personnes s’attèlent à diverses tâches domestiques au sein des ménages: tâches alimentaires, éducatives, ménagères, administratives… Quoi de plus banal! Pilier central du bon fonctionnement de notre société, le travail domestique est pourtant le secteur oublié de notre système. La reconnaissance des tâches domestiques comme véritable travail n’est en effet pas acquise. Reléguée dans le domaine de la sphère privée ou du travail clandestin, le travail domestique est caractérisé par le fait qu’il n’est pas (ou mal) rémunéré, dévalorisé et effectué principalement par des femmes.

Le travail domestique est généralement défini comme un ensemble de tâches non rémunérées effectuées au sein du ménage. Toutefois, nous avons pris en considération dans ce dossier la question de son externalisation de la sphère familiale et avons intégré la portion rémunérée de ce travail.

Dans les deux cas, la question du travail domestique est indissociable de celle de l’inégalité entre hommes et femmes. Dans notre société patriarcale, il est admis qu’il est dans la «nature» du sexe féminin d’effectuer le travail domestique; celui-ci étant ainsi considéré comme du bénévolat librement consenti de la part des femmes.

Alors même qu’il est totalement intégré dans le fonctionnement de l’économie capitaliste et sa logique d’exploitation des hommes par les hommes, ou dans ce cas des femmes par les hommes, le travail domestique en est paradoxalement exclu puisqu’il n’est que partiellement rémunéré. En page 6, deux solutions sont alors exposées: reconnaître ces tâches comme un travail à part entière, qu’elles soient effectuées par un membre du ménage ou une tierce personne, en rémunérant le travail en fonction du salaire de l’employeur; ou sortir le travail domestique d’une logique capitaliste en le «démarchandisant».

Cette deuxième proposition est nécessairement liée à une collectivisation des tâches domestiques et une répartition égalitaire entre homme et femme.

Les luttes féministes ont depuis longtemps revendiqué un partage des tâches domestiques entre hommes et femmes à travers un meilleur accès au marché du travail pour les femmes et l’amélioration de l’accueil de jour des enfants entre autres. C’est un constat d’échec que nous devons poser dans ce domaine. Les inégalités existent encore bel et bien. Elles se transforment, se déplacent, mais se maintiennent.

Un exemple de report des inégalités au sein du couple vers l’extérieur du ménage est celui de l’engagement d’employé•e•s domestiques, discuté en pages 8 et 9. L’augmentation de la participation des femmes au marché du travail peut être perçue comme une victoire en terme d’égalité entre hommes et femmes mais le temps de travail d’un couple travaillant à 100% ne permet parfois plus de pouvoir effectuer les tâches domestiques habituelles. Quand leur revenu le permet, ce sont alors d’autres femmes qui prennent le relais. Généralement mal rémunérées, accumulant les petits boulots pour boucler leur fins de mois, ces femmes vivent souvent dans une grande précarité, accentuée par le fait que beaucoup d’entre elles, issues de l’immigration, n’ont pas de papiers en règle.

Comment donc améliorer la situation des travailleuses domestiques? Comment sortir de l’ombre ce secteur d’activité nécessaire au bon fonctionnement de notre société et déjouer les mécanismes d’exploitation des femmes par les hommes ancrés dans le système capitaliste et patriarcal? C’est à ces questions que ce dossier tente de répondre.

 

Publié dans Pages de gauche n° 75 (février 2009).

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