La rédaction •
Le compromis trouvé in extremis par le parlement fédéral sur la réforme des retraites présentée par Alain Berset ne peut nous réjouir. L’augmentation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans ainsi que l’abaissement du taux de conversion du 2e pilier de 6,8% à 6% sont des reculs dont on ne saurait minimiser l’importance. Les satisfecit d’une partie de la gauche après ce vote, quoique compréhensibles puisqu’il s’agit d’une défaite importante de l’axe PLR-UDC du Conseil national, ne peuvent toutefois porter sur le contenu de la réforme elle-même. Il faut le dire clairement, PV 2020 est un compromis ultra-minimal.
Et pourtant, plusieurs aspects de ce plan sont cruciaux. Tout d’abord, c’est la première fois depuis plus de quarante ans que les rentes et les cotisations AVS sont augmentées, qui fonctionne depuis quarante ans sur un financement inchangé pour l’essentiel. Alain Berset a également réussi, pour la première fois, à lier dans une même réforme les deux premiers piliers du système de retraite. La leçon principale à tirer du marchandage, c’est que le 2e pilier est un système voué à l’échec et que des retraites solides ne peuvent reposer que sur un système par répartition comme l’est l’AVS. Ce jugement, qui était encore naguère anathème ailleurs qu’à la gauche de la gauche, est désormais admis de facto par presque toute la classe politique suisse. Ça ne rend pas le plan PV 2020 plus séduisant, mais cela pose le débat sur des bases incomparablement plus saines qu’auparavant.
Le 24 septembre le peuple et les cantons voteront sur le relèvement de la TVA en faveur de l’AVS. Un référendum contre le projet PV 2020 a également été lancé et devrait selon toute logique aboutir. Cette situation déjà difficile se complique encore par les fronts politiques qui se dessinent. Le camp du non sera emmené par la droite défaite au Conseil national. Si une opposition de gauche se dessine, à partir des minorités romandes des syndicats Unia et SSP et de quelques autres organisations, mais sans le PS, les Verts et l’USS, celle-ci sera largement inaudible en Suisse alémanique. En cas de victoire du non, l’interprétation des résultats sera non seulement difficile, mais, surtout, l’orientation à donner à la prochaine réforme sera au mieux incertaine. Or les options défendues par la droite et par la minorité de gauche opposée à PV 2020 sont radicalement opposées. Au moment de trancher, compte tenu des rapports de force politiques au niveau national, tout indique que ce seront les premières qui l’emporteront.
On peut très légitimement décider de gagner quelques années en bloquant la réforme cet automne, en espérant que l’évolution de la situation ces prochaines années continue de donner raison aux positions de la gauche. On peut tout aussi légitimement craindre les futures majorités politiques fédérales, tout comme le ou la prochaine chef·fe du département de l’intérieur, et décider de limiter les dégâts le 24 septembre. Il est des moments où, face au dilemme, chacun·e doit décider pour soi-même. Il va de soi que Pages de gauche donnera la parole aux avocat·e·s de ces deux positions.
Publié comme éditorial de Pages de gauche n° 163 (printemps 2017).
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