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La valeur de la gratuité

Depuis quelques années en Suisse, la question des tarifs est systématiquement reléguée au second plan lorsque l’on parle de transports publics. Une forme de consensus général s’est peu à peu installée pour considérer que le prix payé par l’usager n’était qu’un élément accessoire pour inciter la population à utiliser les transports publics. A juste titre, on a relevé l’importance du développement de l’offre (réseau, fréquence, confort, etc.) pour permettre aux transports publics de représenter une alternative crédible à la voiture.

Mais pourquoi avoir ainsi exclu la question des tarifs? À Châteauroux, en France, la gratuité a pourtant eu un impact considérable sur le nombre d’usagers, qui est passé de 1.5 millions à plus de 3 millions entre 2001 et 2004. Il en est allé de même en Suisse avec l’introduction déjà ancienne de l’abonnement demi-tarif des CFF. En réalité, la cause n’est pas à chercher du côté de l’expérience mais plutôt de considérations financières et idéologiques.

Ces dernières années, les collectivités publiques ont beaucoup investi pour les transports publics (métro, tram, RER, etc.); elles ont donc cherché en parallèle à limiter leur contribution aux frais d’exploitation. À Lausanne, par exemple, la prise en charge du coût des transports publics assumés par les collectivités publiques a diminué — c’est une première historique – en 2005; quant aux tarifs, ils ont pris l’ascenseur depuis 2001.

Mais surtout l’idée selon laquelle les choses n’auraient de valeur que par le prix qu’on leur donne ne cesse de se répandre dans le domaine des services publics et notamment des transports. Dès lors, diminuer le prix des bus, du tram ou du métro — ou pire encore, les rendre gratuits – reviendrait à dévaloriser les transports publics!

Dans ce cadre, les propositions qui fleurissent un peu partout en Suisse romande (Lausanne, Genève, Neuchâtel) pour une gratuité totale ou partielle des transports publics sont salutaires: elles permettent de remettre la question des tarifs au cœur du débat politique. Les socialistes lausannois ont pour leur part proposé d’introduire la gratuité des transports publics pour les moins de vingt ans. Il s’agit d’une part de soulager le budget des familles: à Lausanne, un abonnement aux transports publics coûte près de 200 francs par mois pour une famille de deux adultes et deux enfants, c’est 20 % de plus qu’en 2004! Mais il s’agit bien sûr aussi d’encourager l’utilisation des transports publics et d’inciter les jeunes à prendre l’habitude de se déplacer autrement qu’en voiture. Cette proposition cumule donc des vertus sociales, écologiques et éducatives. Enfin, elle a le grand avantage d’être abordable financièrement (moins de quatre millions par année) et donc immédiatement réalisable. Une belle occasion en somme de montrer qu’il est possible de concilier le développement de l’offre de transports publics avec des tarifs attractifs. N’en déplaise à certains, c’est donc parfois en diminuant le prix des choses qu’on leur fait gagner de la valeur.

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