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La Russie en cage

Jamais la cote de popularité de Vladimir Poutine n’a été aussi haute, jamais Président démocratiquement élu ne fût pareillement plébiscité à quelques mois de la fin d’un règne de huit ans, sauf peut-être Nelson Mandela. Les moyens colossaux investis dans la communication et la promotion de son œuvre, l’omniprésence de l’homme et de son administration dans tous les rouages de l’économie et de la politique, tout cela devrait annoncer des lendemains « qui chantent ».

Après les années Eltsine – mélange d’anarchie intérieure et d’ingérence extérieure – les efforts de Poutine pour mettre au pas ce que le pays comptait de mafias institutionnelles a plu à une population fortement précarisée par la crise financière de la fin des années 90. Le côté «droit dans ses bottes» et la puissance de l’appareil du FSB (ex-KGB) de l’autre ont fait le reste pour séduire un pays où l’histoire se récrit au fur et à mesure des dirigeants et des systèmes.

On imagine donc mal le pouvoir russe actuel se sentir menacé de l’intérieur, au vu de la puissance économique et institutionnelle de ses soutiens. Des deux derniers piliers de l’empire, la police secrète et l’armée, ajoutés à ce socle de fortunes nouvelles accordées à bien plaire, on ne voit poindre aucune menace qui ne puisse être efficacement contrée par le système mis en place au sommet de l’état. Le retour à la lumière opéré sur la scène internationale – à l’échelle régionale ou mondiale – participe également de la volonté de marquer au plus près toute tentative de déstabilisation : des pressions exercées sur l’Ukraine par le biais de l’énergie, comme du jeu démocratique, ou encore l’instrumentalisation des conflits caucasiens au profit des intérêts russes, tout participe au nouvel impérialisme russe du XXIème siècle.

Pour quelles raisons alors ce Président a-t-il cherché à verrouiller de la sorte l’entier du système « démocratique » et économique russe ? En réprimant systématiquement toute possibilité «d’affranchissement» – médiatique, politique ou économique – soit par oukases interposés, par incorporation ou par simple élimination, l’administration Poutine est parvenue à réduire au silence la société civile, à commencer par l’électeur. Elle a aussi pu, en se créant un nombre d’ennemis plus ou moins imaginaires et un costume de tsar à son chef, éviter de répondre aux véritables questions que se posent les Russes depuis la chute de l’URSS: où est passé l’argent des privatisations, les garanties démocratiques, les médias indépendants et les retombées du développement économique ? Où vont les profits des immenses groupes énergétiques nationaux, et qui peut réformer une Armée rouge gangrenée par les mafias et la pauvreté ?

L’opposition démocratique est rendue chaque jour plus compliquée, quand elle n’est pas tout simplement interdite. Cette situation permet d’empêcher le travail de revendication de la société civile face aux difficultés et aux injustices: l’état préfère reprendre à son compte la vindicte populaire par des campagnes anti-corruption et légaliste, pour mieux encore étouffer toute critique, et en profiter pour faire le ménage parmi les fonctionnaires. La seule alternative pour l’électeur russe est désormais la version A ou A’ d’une même politique, populiste et nationaliste, plus ou moins xénophobe et anti-occidentale.

Sur le plan économique, le fossé va grandissant entre les intérêts des élites et ceux du peuple, sans parler des problèmes que les « nouveaux capitaux » russes issus essentiellement d’activités « grises » peuvent poser dans le mouvement des marchés mondiaux. Mis sous pression, la plupart des états occidentaux – à commencer par la Suisse – hésitent en effet à adopter une position politique ferme et à réellement mettre en œuvre les mesures de contrôle bancaires qui pourraient stopper l’hémorragie économique russe. La question des Droits de l’Homme est quant à elle prudemment écartée lors des sommets internationaux.

 

 

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