La COP est pleine

Léo Tinguely •

La montagne a accouché d’une souris. Les attentes – même à gauche – étaient fortes autour de la Conférence des Nations Unies se tenant à Glasgow sur les changements climatiques (COP26). À l’exception de promesses jetées en l’air, il n’en est, une fois de plus, évidemment rien ressorti. Analyses et perspectives.


C’est devenu une boucle sans fin. A la sortie de chaque sommet, une liste des nouvelles promesses vient se substituer à celles faites et non-tenues lors de ces derniers. Les illustrations du fiasco sont nombreuses. Ainsi, l’un des objectifs affichés était notamment l’adoption d’une feuille de route commune à même de parvenir à atteindre la neutralité carbone. Alors qu’on parlait encore de réductions des émissions de CO2 les années précédentes, la voie choisie est désormais celle de la compensation carbone, ce mécanisme permettant aux entreprises les plus nocives de la planète de poursuivre leurs activités néfastes à condition qu’elles replantent des arbres dans les pays qu’elles détruisent. On pense ensuite aux pays les plus pauvres qui avaient proposé un mécanisme de financement solidaire des dommages causés par le dérèglement climatique et plus directement par les politiques et entreprises des pays les plus riches. Rare proposition ambitieuse, elle aura été complètement coulée par ces derniers, États-Unis et l’Union Européenne en tête. Finalement, on peut encore citer la suppression à la dernière minute de la nécessité de sortir du charbon pour laquelle Simonetta Sommaruga s’est logiquement insurgée.

Historiquement, il n’y a guère que les COP3 de Kyoto et COP21 de Paris à avoir débouché sur des accords a minima contraignants. Force est de constater qu’ils n’ont pas non plus été respectés. Il faut donc cesser d’attendre ces COP comme l’arrivée du Messie, c’est au mieux Judas qui en surgira.

Ils·elles ne changeront pas

Pour expliquer ce naufrage, beaucoup se prêtent à dire que lorsque les catastrophes seront véritablement à nos portes, que lorsque les changements climatiques seront visibles et palpables, les personnes puissantes et les dirigeant·e·s agiront. Il n’en est rien. Ils et elles iront vivre là où les crises ne sont pas perceptibles, en Écosse, en Suisse ou peut-être même sur Mars. Non, s’ils et elles n’agissent pas, c’est tout simplement qu’ils·elles n’en ont pas la volonté. Parce qu’ils·elles n’ont pas l’intention de changer d’un iota leur mode de vie et de production, parce que pour eux·elles, les intérêts économiques primeront toujours sur le reste. Ainsi, Jeff Bezos pourrait par exemple bien se lever un bon matin et décider de mettre fin à la famine dans le monde grâce à sa fortune. Pourtant, il ne le fera jamais.

Gagner du pouvoir

De la même manière que les élites agissent en parfaite connaissance de cause, ce n’est pas non plus un manque d’information ou de sensibilisation qu’il manque au sein de la population pour produire le changement. La COP 26 se jouait aussi en extérieur en catalysant les mouvements climatiques des rues de Glasgow à celles de Lausanne. Au sein de ces dernières ont fleuri de nombreux graffitis où l’on pouvait y lire: «Dites la vérité !». Seulement, la vérité n’est aujourd’hui ni cachée ni encore moins ignorée. D’une part les rapports comme ceux du GIEC sont repris par tous les médias et commentés par quasi tou·te·s les politiques. De l’autre, la majorité de la population est informée, se sent concernée et désire même que des mesures soient prises. Nous ne sommes plus au stade de l’information, mais à celui de l’organisation et de l’action car c’est bien de pouvoir dont nous avons besoin. Face à ce constat, il est vain de sombrer dans un catastrophisme et de se limiter à mener des actions individuelles, court-termistes ainsi que facilement réprimables. Non seulement elles ne sont que peu efficaces, mais elles mettent aussi en danger celles·ceux qui y participent tout en excluant celles·ceux qui n’y participent pas. Cela demande forcément un peu plus de temps, mais nous avons besoin d’un mouvement de masse fort et solidaire comme tente notamment de bâtir la Grève pour l’Avenir, d’un mouvement où chacun·e se sent protégé·e et actrice·eur du changement, d’un mouvement qui fasse converger les luttes et les organisations, d’un mouvement dont la radicalité des propositions dépasse souvent celles de ses moyens. En définitif, c’est donc de rapports de force locaux, nationaux et mondiaux que nous devons installés. Ceux-ci ne pourront naître que d’un mouvement radical et non d’un mouvement de radicales·aux.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 182 (hiver 2021-2022).

Crédits image: Markus Spiske sur Unsplash.

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