Quelques pistes pour cultiver la politique culturelle

La rédaction •

Avec la sortie du no 190 de Pages de gauche dont le dossier est consacré aux politiques culturelles suisses, nous publions en libre-accès la conclusion de ce dernier afin d’en donner un aperçu. Pour recevoir le numéro en entier et soutenir une presse de gauche indépendante, abonnez-vous!


La culture est un secteur essentiel de toute société. Pourtant, comme nous l’avons souligné dans ce dossier, elle souffre d’un manque de reconnaissance et de soutien de la part des pouvoirs publics. Les artistes restent trop souvent confrontés à des conditions de travail précaires, à des salaires insuffisants et à une dépendance trop grande vis-à-vis du mécénat privé. Il est temps de changer cette situation et de revendiquer une meilleure politique culturelle en Suisse à tous les niveaux de l’État.

Cela commence par augmenter le budget alloué à la culture au niveau fédéral, cantonal et communal. La Suisse consacre actuellement environ 1% des dépenses des collectivités publiques à la culture, soit moins que la moyenne de l’OECD (1,2%) et que des pays comme la France (1,2%) ou la Pologne (1,6%). Non seulement le budget — et donc surtout le montant des subventions disponible — doit être augmenté, il doit aussi être plus équitablement réparti entre les différents acteurs afin que les subventions culturelles ne soient pas excessivement dirigées envers les formes d’art élitiste et élitaire.

Ensuite, il faut limiter le rôle du mécénat privé dans le financement de la culture. Si le soutien privé peut (parfois) être bénéfique pour certains projets, il ne doit pas se substituer au financement public en imposant ses propres critères et goûts culturels. Le mécénat privé doit être transparent, régulé et complémentaire au financement public. Il ne doit en aucun cas se trouver en position de monopole et menacer l’indépendance de la création artistique.

Il faudra aussi améliorer les conditions de travail et les salaires des artistes. Le statut d’intermittent du spectacle, qui existe de manière inofficielle déjà partiellement en Suisse avec le système des jours de cotisation au chômage qui comptent double, doit être renforcé et étendu à tous les métiers de la culture. Les artistes doivent bénéficier d’une protection sociale adaptée à leur activité irrégulière et intermittente. Ils doivent également être rémunérés à la hauteur de leur contribution à la société et de leur qualification professionnelle. On n’est pas obligé de vivre sans le sou pour faire une œuvre de qualité et trouver l’inspiration, le travail artistique mérite un salaire juste.

Enfin, la question du genre au sein des institutions culturelles et dans leur programmation doit être une priorité pour les politiques culturelles de gauche. Bien que la parité semble avoir été atteinte en termes d’emplois dans le milieu culturel, les femmes sont encore sous-représentées dans les postes hiérarchiques et dans les programmations. L’égalité dans la diffusion, la reconnaissance publique ou l’accès aux espaces de création n’est pas encore atteinte. 

Avec ce dossier nous appelons à une meilleure politique culturelle en Suisse, qui reconnaisse la valeur sociale, économique et politique de la culture, qui garantisse des conditions dignes aux artistes et qui favorise l’accès à la culture pour tous les citoyens. La culture n’est pas un luxe ni un divertissement, c’est un droit fondamental et le cœur d’une société libre dont les richesses ne s’arrêtent pas aux biens matériels. La culture c’est la matrice des progrès sociaux futurs. Prenons-en soin.

Cet article a été publié dans Pages de gauche n° 190 (hiver 2023-2024).

Crédit image: Archives de l’Etat de Fribourg (AEF)

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